Il est « crucial » que le plan de relance européen soit un « succès » pour Christine Lagarde. Mais à quelle renonciation les dirigeants européens vont-ils devoir consentir pour lever le veto des gouvernements polonais et hongrois, car ils peuvent espérer trouver un arrangement avec le Parlement européen. La préservation de l’État de droit est mal partie dans ces deux pays, expression de la poursuite du démantèlement de l’Europe.
Un compromis a bien été passé lors du dernier sommet dans l’intention de noyer le poisson et d’ouvrir la voie à un accord, mais il a été rejeté sans ambiguïtés. Dénonçant être sous le coup d’un chantage les gouvernements de ces deux pays ne veulent rien entendre et en exercent un de caractérisé afin d’avoir les coudées franches, forts d’un rapport de force favorable. De discrets conciliabules sont depuis préférés à la diplomatie ouverte, cela leur donnent-ils plus de chance d’aboutir à ce qui sera qualifié de compromis mais qui sera une nouvelle reculade ? La suite ne s’annonce pas glorieuse.
Or le temps presse, comme le démontre l’annonce par le gouvernement italien de nouvelles mesures de soutien vitales pour un montant de 39 milliards d’euros, qui s’appuient partiellement sur le plan de relance et qui devront sinon trouver leur financement sur le marché. Sur le papier, l’Italie est la principale bénéficiaire des prêts et subventions de ce plan en suspens.
Quoi qu’il en soit, le plan de relance va devoir en priorité boucher les trous. Agustin Carstens, le directeur général de la Banque des règlements internationaux avertit que de nombreuses entreprises ne seront pas viables à moyen terme, l’espoir d’une pandémie de courte durée n’est plus d’actualité et celui d’une reprise d’activité pour les secteurs économiques les plus touchés s’évanouit. Les garanties apportées par les gouvernements vont jouer et les faillites s’accentuer. Le scénario est déjà écrit.
Un autre plan relatif à la transition écologique ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Qu’est-ce qu’une « obligation verte » ? La Commission se penche sur le sujet, mais le risque est grand que les obligations vertes se révèlent n’être qu’une ruse pour faire passer en contrebande des financements de reprise pas très verts.
Jean Pisani-Ferry assène dans une tribune que « on ne répondra à l’urgence climatique qu’en y enrôlant le capitalisme ; et on ne la rendra socialement tolérable qu’en misant sur la productivité – c’est-à-dire sur la croissance ». À l’appui de sa thèse, il voit le capitalisme « divisé entre deux fractions, brune et verte », ce qui est vite dit. Puis il conclut « laissé à lui-même, le capitalisme massacre l’environnement. Adéquatement canalisé, il intègre la contrainte environnementale et en fait un ressort de développement. Quoi qu’on pense de ce mode de production, l’urgence commande aujourd’hui de faire avec lui ». Finalement, il trouve une ultime raison de trouver dans le capitalisme le sauveur, il fallait oser. Le conformisme idéologique est une maladie incurable, Jean Pisani-Ferry n’est pas le seul à y trouver refuge.
Un article du jour où deux économistes parlent de la dette nouvelle légitime du fait de la crise, et de l’hypothèse qu’elle soit rachetée et annulée par la BCE — spécialement pour des investissements liée à la lutte contre la dégradation climatique (Gael Giraud avait évoqué cette hypothèse récemment dans une vidéo pour Grenoble) :
https://plus.lesoir.be/332338/article/2020-10-18/letat-raison-demprunter-tant-que-ca-ne-lui-coute-rien
… jusqu’au jour ou l’humour, petite flamme vacillante , faute d’oxygène, elle aussi, s’éteindra.
« Ces marches à ne pas rater »
ou bien
Ces marchés à ne pas rater.
Question de point de vue…