En fait des « décisions difficiles » qui étaient annoncées par le Conseil scientifique, le Premier ministre français s’en est tenu à la facilité en appelant au « sens de la responsabilité » de tous, atténuant par la même celle du gouvernement. Pas question, pour l’évacuer, de « se laisser enfermer dans la logique du confinement généralisé ». La liste des départements sur liste rouge va donc symboliquement augmenter, afin de ne pas prendre de dispositions nationales tout en laissant dans le flou les mesures locales dont les préfets auront la responsabilité.
À Birmingham, la deuxième ville du pays, les autorités britanniques interdisent les rencontres entre amis ou familles, mais Jean Castex ne prévoit pas une telle mesure, alors qu’Emmanuel Macron appelait deux jours auparavant à être « plus vigilant dans les moments de vie privée ». Des circuits prioritaires vont être créés pour améliorer un dépistage, engorgé dans plusieurs régions, et il est promis que les résultats des tests seront connus plus rapidement. Mais l’essentiel de la communication n’est pas là, la durée de l’isolement va être réduite à 7 jours. C’est maigre, rien n’est précisé sur les conditions du retour au travail et à l’école. Était-il besoin de susciter une telle attente pour se contenter de ces annonces alors que les contaminations quotidiennes sont à un niveau très élevé et que le nombre des « clusters » (les foyers) ne cesse d’augmenter ? Il ressort de leur analyse qu’ils sont détectés en priorité dans les milieux professionnels et lors des rassemblements sportifs et familiaux, à propos desquels le Premier ministre ne dit rien.
Sur un terrible évènement, l’incendie du camp de réfugiés de Moria dans l’île de Lesbos, l’expression de la solidarité européenne se limite pour l’instant à l’accueil de 400 mineurs isolés en Allemagne et en France. 12.700 réfugiés, dont 4.000 enfants, ont erré les deux premiers jours sur les routes, sans abri, sans nourriture et sans eau avant de premières et tardives distributions dont tous n’ont pas bénéficié. La seule perspective qui leur est offerte par les autorités grecques est d’intégrer un nouveau camp, une fois construit, et en attendant de trouver refuge, pour une partie d’entre eux seulement, sur un ferry-boat, deux navires militaires grecs et sous des tentes dans une enceinte fermée. Quand tout cela sera disponible et installé. On connaissait le sort réservé aux réfugiés en Libye, il ne fait décidément pas bon de se trouver coincé sur une marche de l’Europe ou à sa porte.
Reste le cas des réfugiés bloqués en France face aux côtes britanniques qu’ils cherchent à atteindre. Il n’a rien été trouvé de mieux que d’interdire aux associations de manifester leur solidarité en leur distribuant des repas, une seule y restant autorisé. Enfin, un cargo danois transportant des produits chimique est en panne depuis cinq semaines en Méditerranée, n’étant pas autorisé à débarquer les 27 réfugiés accueillis à bord à la demande des gardes-côtes maltais. Serait-ce une manière d’inciter les cargos à couper leur radio pour ne pas avoir à secourir des naufragés, comme c’est souvent le cas ?
Comment justifier un si honteux traitement des demandeurs d’asile ? comment qualifier les responsables de ces situations dramatiques destinées à dissuader les candidats à un refuge ? Le serpent de mer d’un accord européen de répartition est à nouveau agité, mais quelle sera sa portée effective s’il finit par être adopté ?
Dans tous les domaines, le geste n’est pas joint à la parole. Plus les envolées sont nobles et magistrales, plus il faut s’attendre à des actes qui ne le sont pas. Ils voudraient susciter la confiance et récoltent la méfiance.