L’intervention à la rencontre virtuelle des banques centrales de Jackson Hole de Jerome Powell, en charge de la Fed, a pour résultat de faire couler beaucoup plus d’encre que de contribuer à la relance. En tirant la leçon que la priorité de la Federal Reserve n’était plus l’inflation mais l’emploi, Jean-Marc Vittori croit pouvoir en tirer la conclusion dans Les Échos que l’on assiste à « une petite révolution ». On nage dans le malentendu, animé par l’idée soudée au corps que tout va nécessairement retomber sur ses pieds, tel un culbuto qui se redresse toujours.
Jerome Powell admet que la cible d’inflation pourrait désormais être modifiée et qu’elle pourrait dépasser la valeur de 2% « pendant un certain temps ». Mais il ne dit pas comment il va s’y prendre pour y parvenir, alors qu’il ne parvient déjà pas à atteindre la cible classique. En fait de revue de sa politique, la Fed continue de s’inscrire dans le même cadre, même amendé, faisant du ciblage de l’inflation son principal critère.
Il aurait pu être rappelé que cette notion était de création relativement récente, reposant sur l’idée qu’un taux positif modéré de l’inflation était cohérent avec le plein emploi. Ce modèle macro-économique théorique fait toujours référence, bien qu’il se soit avéré très contestable. Et il n’est pas question de reconnaître qu’il ne faut pas chercher bien loin pour trouver une forte inflation, dans les actifs financiers, à laquelle les banques centrales ne sont pas étrangères tout en préférant ne pas s’étendre sur cette question gênante.
Le président de la Fed ne peut admettre qu’il est à court de munitions, tout en se refusant d’adopter un taux directeur négatif, à l’instar de la BCE à qui cela n’a pas spécialement réussi, il est vrai. Il reste animé par l’idée que si la Fed affiche clairement ses intentions à l’avance (grâce à la « forward guidance »), les marchés s’y aligneront en application d’une sorte d’opération du Saint-Esprit, et le tour sera joué.
Mais il se garde d’envisager une autre perspective d’actualité, l’instauration d’une longue période à venir de faible inflation et croissance, un phénomène qui est désormais qualifié de « japonisation ». Au Japon, elle s’est installée depuis 30 ans et la banque centrale regarde avec constance passer les trains. En quoi la situation européenne ou américaine est-elle donc différente aujourd’hui ? Un sujet à ne pas aborder : abandonner la perspective d’une relance de la croissance n’arrangerait pas les affaires de la dette, impliquant que le bilan des banques centrales continue de gonfler démesurément pour peser sur les taux obligataires, sans pouvoir y mettre fin. Exactement ce à quoi la Banque du Japon est condamnée.
En pointant du doigt l’emploi, qui est formellement de la responsabilité de la Fed contrairement à la BCE et à la Banque d’Angleterre, Jerome Powell a tout simplement utilisé la deuxième corde qu’il a à son arc. Il fallait bien trouver une raison pour justifier le maintien pendant une longue période de ses taux directeurs très bas. Le message implicite a été reçu et salué par les marchés. En fait de « petite révolution », c’est un peu maigre et tient plutôt de l’incantation.