La chronique de la surveillance électronique trouve chaque jour sa pitance. De nouveaux dispositifs sont découverts et suscitent des réactions car la sensibilité au sujet a progressé. Mais les encadrements réglementaires et juridiques ne sont que de fragiles et tardives barrières.
On n’entend plus beaucoup parler de StopCovid, cette application française destinée aux smartphones, signe qu’il a été donné un coup d’épée dans l’eau. Son lancement a toutefois eu le mérite de révéler de fortes préventions et de susciter un débat. Mais qu’en est-il de la vidéosurveillance associée aux technologies de reconnaissance faciale ? Elle ne cesse de progresser, installée dans les lieux les plus divers et sur la voie publique. Le port des masques lié à la pandémie est leur seul obstacle sérieux, devrons-nous vivre masqués plus tard, quand cela ne sera plus nécessaire pour cette raison, ou l’exercice sera-t-il interdit comme cela a été le cas en France pour le port des capuches dans les manifestations ?
La Chine est montrée du doigt, oubliant les centaines de milliers de caméras de vidéosurveillance disséminées dans les villes britanniques, 420.000 pour la seule Londres. Devant l’impossibilité et le coût d’une surveillance humaine de tous les écrans, il n’y avait pas d’autre solution que d’implanter des technologies de reconnaissance faciale et d’établir une « liste de surveillance » incluant des suspects, des personnes disparues ou tout simplement représentant un intérêt pour ceux qui la gèrent. Grain de sable, une juridiction d’appel a encadré ce dispositif au pays de Galles, s’interrogeant notamment sur les critères et modalités d’inscription sur cette liste par la police.
Le ministère de l’Intérieur français a subi la même déconvenue à propos de la « liste S », officiellement le fichier des personnes recherchées. Un tribunal administratif a contesté son refus de reconnaître à sa demande l’inscription sur cette liste d’une personne. Tout droit d’accès à la « Liste S » était refusé par les autorités administratives, laissant la place à l’arbitraire et à des erreurs qui ne peuvent être corrigées. Elles ont désormais deux mois pour répondre.
Les erreurs représentent un grand problème négligé : faute de les connaître, on ne peut demander leur correction. Or, la vidéosurveillance n’en est pas de loin exempte, sa fiabilité n’est pas assurée dans les conditions où elle est exercée.
Ce ne sont que de petites victoires devant l’étendue de la question. D’autres technologies sont en effet déployées, la tentation aidant. Le chronométrage de papa a disparu, beaucoup mieux est désormais disponible. La banque britannique Barclays a été prise la main dans le sac par l’ICO, l’équivalent de la Cnil française, pour utilisation d’un logiciel d’espionnage de ses salariés. Il permet de mesurer la productivité des salariés en comptabilisant notamment la durée passée devant leur écran et le temps nécessaire à l’accomplissement des tâches. Barclays avait déjà équipé trois ans auparavant les postes de travail de systèmes de détection de la chaleur et des mouvements au prétexte de rationaliser l’utilisation de l’espace. Il n’y a pas pire mouchard qu’un ordinateur en réseau.
Comment enrayer ce processus qui semble irrésistible ? Les technologies sont disponibles sur étagère et les services qu’elles prétendent rendre sont attractifs et à des coûts abordables. Leur encadrement a un temps de retard quand il existe, n’y parvenant qu’imparfaitement quand il intervient. D’autres utilisations encore plus pernicieuses ont été découvertes. Des créatures virtuelles, pourvues d’une identité fabriquée et d’un visage factice sont utilisées sur les réseaux sociaux dans le cadre d’actions de propagande, ce sont des « deepfakes ». Le cas d’un « Oliver Taylor » qui était même publié dans le Jerusalem Post et le Times of Israël a été récemment découvert, or il n’a jamais été existé. Les campagnes de désinformation et de manipulation sont d’autant facilitées. Sur le mode employé par les services de renseignement, des « légendes » sont fabriquées à grande échelle qui résistent aux enquêtes à moins qu’elles ne soient approfondies. À ce stade industriel, des États en sont à l’origine.
Plus notre environnement est virtuel, moins il est contrôlable.
Dans la série le progrès fait rage, voici le masque transparent qui permet de concilier santé
publiqueéconomique et reconnaissance faciale (et offre l’avantage par le ridicule qu’il confère au porteur, d’accentuer la violence symbolique de ce qui est de toute évidence une muselière).Des masques transparents, bientôt commercialisés en France !
https://www.santemagazine.fr/actualites/actualites-sante/des-masques-transparents-bientot-commercialises-en-france-444270