Le tournant est pris sans le dire, car le sujet est scabreux : plus besoin de rembourser la dette publique européenne il suffira de la stabiliser, nuance ! Même avec une croissance anémiée, son service sera soutenable à condition que ses taux ne s’envolent pas. Quel miracle va-t-il rendre cela possible ?
Dans une tribune publiée par Le Monde, Patrick Artus de Natixis décrit sans fard le mécanisme adopté : « si une banque centrale achète de la dette publique sans la revendre et en la renouvelant indéfiniment, elle devient irréversible et se trouve de fait annulée : elle est gratuite (puisque les banques centrales reversent aux États leurs profits, qui incluent les intérêts reçus sur ces dettes publiques), et elle n’est jamais remboursée (puisque la banque centrale la conserve et la renouvelle à l’échéance). Si l’on ne veut pas passer à une politique budgétaire restrictive, utiliser la monétisation irréversible des déficits publics est la seule méthode utilisable pour rétablir la solvabilité des États. »
Mais cet aveu coûtant à beaucoup, un autre mécanisme est avancé. L’existence d’une plantureuse épargne, qui doit trouver à se placer, serait à l’origine des faibles taux obligataires actuels. Avantage indéniable de cette explication, ces taux ne dépendraient plus de la poursuite ad æternam des politiques monétaires en cours.
D’où provient cette manne ? d’un « excédent d’épargne » résultant du vieillissement de la population ainsi que du développement des inégalités allant se poursuivre, créant un « excédent d’épargne » au bénéfice principal des nantis. Tout retombe ainsi sur ses pieds !
Une explication subsidiaire pourrait reposer sur le rôle et le poids des institutions financières publiques et privées sur le marché obligataire. Avec elles, les gouvernements peuvent en effet discuter entre gens de bonne compagnie. Dans ce contexte, les taux obligataires pourraient même augmenter un peu, tant qu’un minimum de croissance permettra d’absorber le service de la dette. Ce qui créerait un avantage supplémentaire, le retour du Père Fouettard justifiant des mesures d’austérité budgétaires selon les canons de beauté en vigueur. L’épargne absorbant la dette, le rôle inconvenant des banques centrales est ainsi évacué et la discipline des marchés peut réapparaître, CQFD.
Finis, les quotas de la dette calculés en pourcentage du PIB qui ne veulent rien dire ! dépassées les limites d’endettement arbitraires que nul ne peut certifier, comme l’exemple du Japon en fait foi ! Cela tombe bien, car la dette est un moteur que l’on se sait pas remplacer, qu’elle soit publique et vilipendée ou privée et longtemps ignorée. La rente a de beaux jours devant elle, l’allocation actuelle du capital aussi. Cette histoire se termine bien.