C’est entendu, les vieux ratios de la dette comparée au PIB sont dépassés, le pacte européen est dans les faits balayé. « Le risque d’affaissement économique est beaucoup plus important que celui de la dette » expliquent Philippe Martin, Jean Pisani-Ferry et Xavier Ragot qui agissent en éclaireurs sans entrer dans le débat sur comment se débarrasser de celle-ci, se réservant surement pour plus tard.
Certains en restent aux vieilles recettes et les défendent mordicus, d’autres cherchent à tourner la page en douceur. Le débat porte à la fois sur la poursuite de l’endettement et l’allocation des ressources qui en résulteront, le choix entre politique de l’offre et de la demande. Les partisans d’un « choc de l’offre » ne désarment pas, préconisant de soutenir en priorité les entreprises. D’autres sont plus nuancés, qui comprennent qu’il faut aussi soutenir la demande des moins favorisés, car les nantis ne consomment pas plus: ils épargnent ou spéculent, et cela tourne en rond ou pire. Et le spectre du « populisme » alimente ces derniers. Encore et toujours des arbitrages délicats !
En attendant de voir, une sourde inquiétude en a chassé une autre. Pour la dette publique, le sort en est jeté, une « japonisation » larvée est en marche, un sort destiné à durer. La dette ne va pas être remboursée mais roulée, et l’enjeu est devenu de la stabiliser. Mais pour la dette privée, c’est autre affaire ! Elle a galopé tout autant, que faire ? Le manque de fonds propres des entreprises est cruellement mis à jour, comment inciter les investisseurs à y remédier ? Des recapitalisations sur fonds publics ne règleront pas le problème vu son ampleur. Quant à parvenir à rediriger la manne de l’épargne des particuliers, cela ne sera pas facile à déclencher, pour le moins.
Lorsque l’on traverse l’Atlantique, c’est tout un modèle économique qui est spectaculairement mis en cause, malgré les achats de dette des entreprises de la Fed et les prêts aux PME pour un montant de 500 milliards de dollars du gouvernement. Les miracles de l’ingénierie financière permettant la poursuite sans fin de leur endettement ont atteint leurs limites, en dépit de l’appétit des fonds de pension et des compagnies d’assurance à leur égard, car ils ne trouvent plus sur ce marché la sécurité qu’ils allaient y chercher. La Fed l’a subventionné afin d’éviter qu’une crise de liquidité change de nature en devenant de solvabilité, espérant ainsi favoriser le retour d’une croissance permettant un remboursement progressif, mais le filon est en voie d’épuisement. Le système était parfait, il a atteint ses limites, l’endettement n’est plus un moteur mais un frein. De nombreuses entreprises américaines sont placées devant le choix de faire défaut, de couper dans l’investissement ou de réduire l’emploi. Il n’y a pas d’autre origine à l’explosion attendue des faillites en Europe, plus particulièrement en France où les prêts garantis par l’État ne représentent qu’un palliatif. Le rendez-vous est proche.
Réenclencher une dynamique imposerait une réallocation des capitaux, ce n’est pas une mince affaire.