Peindre la vie en rose, comment y résister quand cela arrange les affaires ? Des deux côtés de l’Atlantique, des entreprises n’y ont pas résisté en inventant un nouvel indicateur pour leurs résultats trimestriels. L’objectif poursuivi est de prendre en compte les profits qu’elles auraient réalisées si la crise du coronavirus n’était pas passée par là, des profits virtuels en quelque sorte.
Sous son acronyme anglophone barbare, l’EBITDA est couramment utilisé dans les milieux financiers pour mesurer les bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements. Les banques, en particulier, le surveillent car descendre sous un certain seuil peut déclencher le remboursement anticipé de leurs crédits. Cet indicateur est aussi utilisé pour mesurer la capacité d’emprunt d’une entreprise.
Dans les deux cas, il est donc tentant de l’améliorer en utilisant un nouvel indicateur, l’EBITDAC, le « C » indiquant le retraitement des données qui permet de faire comme si les effets de la crise du coronavirus n’avaient pas existé. Dans le lourd contexte actuel, le calcul avantageux de ce petit dernier peut éviter de franchir le seuil fatidique imposant par contrat un remboursement, ce qui arrange bien aussi les banques qui devraient alors enregistrer le défaut correspondant, au cas où, et classer le crédit en question sous la rubrique NPL (actif douteux) nécessitant en cascade un renforcement onéreux de leurs fonds propres.
La ficelle étant un peu trop grosse, l’European Leveraged Finance Association (ELFA) a qualifié son emploi « d’inapproprié », mais l’ESMA qui régule les Bourses européennes s’est contentée de demander aux entreprises de faire « preuve de prudence » lorsqu’elles redressent ainsi leur performance opérationnelle…
Les entreprises ayant été surprises la main dans le pot de confiture ont justifié leur innovation et nié toute volonté d’embellir leurs comptes en prétendant que la crise allait être de courte durée, une simple parenthèse en quelque sorte, et que leurs affaires allaient donc repartir comme avant, air connu. Ce qui leur permet de l’assimiler à ces « évènements exceptionnels » qui pénalisent les comptes et qui en sont soustraits pour les rendre plus présentables.
Mais elles ne sont pas seules à faire preuve d’une imagination débordante, l’exemple venant d’en-haut. Si l’on compare en effet les provisions pour pertes de JPMorgan Chase et de la Deutsche Bank, la disproportion est flagrante. La première a provisionné 8 milliards de dollars de pertes sur ses crédits pour le seul premier trimestre, tandis que la seconde s’est contentée d’un demi-milliard d’euros. Afin de le justifier, sa direction a fait valoir qu’elle avait adopté des prévisions à trois ans reposant sur une hypothétique et peu probable relance en « V » permettant de « lisser » les pertes. On se souvient que, suite à la précédente crise, la Deutsche avait été condamnée en 2015 à une amende de 55 millions de dollars par la SEC américaine pour avoir sous-estimé ses pertes potentielles.
Donner un petit coup de pouce à la chance, est-ce vraiment tricher au royaume du pas vu pas pris ?
Ne rend t-il (EBITDA) pas compte que de la rentabilité ou pas de l’entreprise ?
Oui, c’est le profit avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements. On l’appelle aussi EBE pour excédent brut d’exploitation.
Au ryhtme civilisationnel actuel, on va terminer avec un EBITDAN!
N ? Ni vu ni connu ? 😀