On ne va pas s’en plaindre, le sort réservé à la dette est devenu une affaire en vogue. Les suggestions ne manquent pas, et ce n’est pas fini, car la rembourser va réclamer un effort hors de portée si rien n’est fait, le minimum réclamant que cela soit repoussé à plus tard. Ce qui allait de soi ne l’est plus et cela part dans tous les sens.
La réflexion en cours fait toutefois preuve d’une étrange cécité, le fond du problème étant évacué. Que faire de la dette est certes un sérieux problème, mais réduire la dépendance à celle-ci n’est pas moins important, afin de remettre le crédit à sa place. La solution passe par l’instauration d’une fiscalité redirigeant le capital vers les activités économiques et de règles prohibant une spéculation financière improductive. Cela remettrait l’activité financière sur ses pieds et dégonflerait la baudruche de la masse d’actifs financiers créateurs d’une pseudo valeur. À l’image d’une pyramide inversée reposant sur sa pointe, le système financier est en dangereux déséquilibre permanent.
Les idées fausses sont tenaces. S’il est désormais admis entre quatre yeux que les banques centrales financent massivement les déficits budgétaires, la BCE contournant l’interdiction de le faire en achetant les titres obligataires sur le second marché, des raisonnements sans fondement ne sont toujours pas abandonnés.
Cela commence par le maintien de l’illusion selon laquelle les banques centrales revendront les actifs qui ont gonflé démesurément leurs bilans afin que tout rentre ultérieurement dans l’ordre. Doit-on rappeler à ce sujet que Ben Bernanke, du temps où il était président de la Fed, avait pour rassurer les bien-pensants auto-proclamés que cela ne poserait aucun problème le jour venu. Et que la démonstration qu’il en a faite n’a concerné que de petites quantités de titres sans aller plus loin… En vérité, les banques centrales ne vont pas se délester de sitôt de ces actifs, ne serait-ce qu’en raison de l’augmentation des taux obligataires qui en résulterait, leurs achats ayant précisément l’objectif contraire. La taille de leur bilan important peu, elles vont au contraire continuer d’acheter des titres pour remplacer ceux qui arriveront à maturité, tel Sisyphe… Sans le proclamer, les banques centrales ont inventé la dette quasi-perpétuelle sans attendre que cela ne soit formellement décidé !
Puisque l’on est dans la mythologie grecque, une terrible hydre défend de mener une politique de création monétaire intensive sous la menace d’un déferlement inflationniste impétueux. L’argument est faible dans la période récessive prolongée qui s’annonce ! Alors que, tant qu’à solliciter l’avenir, un autre douloureux évènement plus vraisemblable pourrait lui aussi intervenir : une hausse des taux obligataires si les banques centrales cessaient de les contenir par leurs achats. Le poids de la dette publique et privée serait alourdi, la rendant encore moins soutenable pour les États, les entreprises et les particuliers…
Devant la perspective d’une annulation de la dette détenue par les banques centrales, un autre spectre est brandi. Leurs fonds propres pourraient devenir négatifs, faiblement capitalisées comme elles le sont, et cela imposerait à leurs actionnaires – les États en Europe, les banques commerciales aux États-Unis – de les recapitaliser. Le jeu serait à somme nulle en Europe. Cette démonstration repose sur une idée fausse de plus, assimilant les banques centrales à des banques commerciales et reproduisant les obligations de ces dernières. Ce n’est pourtant pas le cas, car elles ont toujours la latitude d’éponger par elles-mêmes leurs pertes et aucun tribunal ne peut les déclarer en faillite… Le fonctionnement d’une banque centrale ne serait pas affecté par des fonds propres négatifs, comme une étude de la Banque des règlements internationaux (BRI) en a clairement fait état.
Est-ce à dire que les banques centrales sont taillables et corvéables à merci ? Le rôle que certains voudraient leur voir assumer laisserait intact la machine à produire de la dette dont il faut au contraire maitriser l’emballement. Dans l’immédiat, la BCE transgresse sa propre réglementation avec son récent programme PEPP qui lui accorde plus de « flexibilité » en ne lui imposant plus d’acheter les obligations d’État au prorata de leur PIB. Ce qui maintient le nez de l’Italie hors de l’eau et évite une progression significative de l’intégration européenne. Elle agit de ce point de vue par défaut…
Un curieux argument est utilisé à ce propos. La BCE ne devait pas empiéter sur les attributions des États (dont elle est l’émanation) car elle ne serait pas régie par un fonctionnement démocratique. Cela revient à prendre son indépendance de façade pour vérité intangible et ne pas renverser la vapeur en réclamant la modification de son statut ! Il faut savoir ce que l’on veut. Il n’y a pas deux ordres, monétaire et budgétaire, mais un seul système économico-financier dont il faudrait maitriser les commandes…
Bonsoir,
Un petit tweet qui souligne quelques problèmes liés au décompte du chômage aux USA :
https://twitter.com/HedgeyeFIG/status/1268893370501468160
Le problème majeur est que Trump compte la reprise du chômage partiel comme une création d’emploi nette. Triste déformation du réel.
Sinon, les prévisions de la Fed empirent encore : recul du PIB de -53.8 % à présent. La Fed d’Atlanta indique en outre que ses prévisions sont généralement plus justes que les analyses traditionnelles :
« These projections—available through 2008 at the Philadelphia Fed’s Real Time Data Center—have generally been more accurate than forecasts from simple statistical models. »
https://www.frbatlanta.org/cqer/research/gdpnow
Superbe article au passage. Que j’ai partagé sur FB. Bien à vous.