On n’ose plus relever leurs fuites en avant tant elles sont coutumières. En garantissant les prêts d’urgence aux entreprises (PGE), le gouvernement français n’a pas renouvelé le genre. Les demandes ont déjà largement dépassé 100 milliards d’euros et le robinet n’est pas fermé.
Les sociétés qui bénéficient du dispositif sont maintenues en vie, mais cela risque d’être provisoire pour beaucoup d’entre elles quand viendra le moment du remboursement, qui doit intervenir dans un an mais pourra être étalé sur cinq années supplémentaires. Quand ce ne sera pas le cas, la garantie de l’État sera actionnée. L’important endettement des entreprises françaises était déjà chose connue, l’encours des crédits atteignait déjà plus de 1.000 milliards d’euros fin février, il s’est accru très rapidement.
Le mal en ressortira amoindri lorsque l’État se sera substitué à elles pour rembourser les banques. Mais les entreprises vont faire face à la diminution de leur activité, qui ne va reprendre que progressivement, et connaitre une chute dont elles auront des difficultés à se remettre dans certains secteurs. Entre temps, un chiffre d’affaires perdu, de l’ordre de 120 à 130 milliards d’euros, ne sera pas retrouvé. La perfusion ne pourra donc pas être retirée.
La charge de la dette étant excessive par rapport aux fonds propres, la sous-capitalisation notoire des entreprises les rendant dépendantes du système financier faisant son œuvre, des faillites interviendront, des restructurations, ainsi que des concentrations, et des conversions de dettes en fonds propres s’imposeront, comme il en est question.
N’hésitant pas à nommer « appareil productif » les entreprises privées pour les qualifier de bien commun, Jean Peyrelevade se met à rêver à voix haute dans La Tribune. Il suggère que les collectivités locales disposent d’un « droit de préemption sur les petites entreprises mises en liquidation pour pouvoir les donner en location-gérance, s’ils le souhaitent, à leurs propriétaires d’origine » et de créer « des fonds d’investissement citoyens qui pourraient, parallèlement aux salariés, racheter une partie des dettes des entreprises et les échanger de plein droit contre une participation en capital. »
Comment les banques européennes s’en sortiront-elles de leur côté ? Le cabinet McKinsey alerte sur la baisse de leurs revenus liée à la récession économique, leurs faisant subir une crise plus importante que la précédente, tout en relevant qu’elles se sont depuis renforcées. Les faillites d’entreprise auront cependant un important impact sur leur « coût du risque ». En d’autres termes elles vont devoir essuyer de solides pertes, tandis que le rendement de leurs fonds propres passera en négatif dans les années à venir. Pas de quoi attirer les investisseurs pour les renforcer ! Le rapport souligne qu’en vertu des garanties apportées en France par l’État, les banques du pays seront toutefois moins éprouvées… Mais les finances publiques le seront davantage, peut-on ajouter !
Il ne faudrait pas croire qu’une telle situation de faiblesse des entreprises est réservée à l’Europe. Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin vient de déclarer qu’il était prêt à éponger jusqu’à 500 milliards de dollars de prêts aux entreprises non recouvrés, alors que les démocrates réclament sans l’obtenir un nouveau plan de soutien au bénéfice des américains. Et que le Transnational Institute dévoile que les grands cabinets d’affaires internationaux étudient pour le compte des compagnies transnationales les arguments permettant d’attaquer en justice les États afin d’obtenir réparation de leurs pertes de bénéfices occasionnées par leurs mesures d’urgence. Suivant que vous serez puissants ou misérables…
PS : Cela devait arriver. La Suède, l’Autriche, la Hollande et le Danemark préparent une contre-proposition au projet franco-allemand qui substitue des prêts aux subventions pour un même montant de 500 milliards d’euros. Un panachage des deux est prévisible.
Et pendant ce temps les Britanniques font le plein de « fraîche » à taux négatif.