Venant de se brûler les ailes avec ses investissements dans le transport aérien qui se sont révélés calamiteux en ces temps de confinement, Warren Buffett n’entend pas recommencer. Tout un symbole, il se désengage de Goldman Sachs et de JP Morgan Chase qu’il avait sauvé en 2008 en leur faisant payer cher, reconnaissant que « nous ne savons pas exactement ce qui se passe lorsque une partie importante de la société est à l’arrêt ».
Lui faisant écho, la Fed met en garde les institutions financières, les banques américaines en particulier, en raison de risques élevés de pertes sur les prêts et de baisse du prix des actifs. L’endettement des entreprises à bas standard de crédit s’accélère, et rien ne garantit que les particuliers, qui ont bénéficié d’un délai de grâce gouvernemental de 90 jours, vont reprendre leurs remboursements interrompus. Les hedge funds ne sont pas épargnés, certains étant déjà très affectés par la volatilité des marchés et les phénomènes de « dislocation » (qui ne tournent pas rond plus simplement). Enfin, le marché des Collateralized loan obligations (CLO), sur lequel la Fed intervient déjà, ne va pas être épargné.
Avec l’accroissement du risque crédit, la crise atteint sa dimension financière. De sanitaire, elle est vite devenue économique et sociale, imposant aux États d’intervenir en grand au prix d’un endettement sans précédent en si peu de temps. Ce n’est pas fini. Aux États-Unis, la Chambre des représentants à majorité démocrate a adopté un plan de 3.000 milliards de dollars, principalement axé sur des mesures de soutien aux américains, que les républicains, engoncés dans leurs certitudes idéologiques, rejettent. Ils le qualifient de « pas sérieux » et se préparent à ne même pas le mettre à l’ordre du jour du Sénat qu’ils contrôlent.
Plus modestement, la Commission va tenter de faire adopter par les chefs d’État et de gouvernement, puis par le Parlement européen, un plan d’un montant plafonné à 1.000 milliards d’euros destiné une fois de plus à impressionner. Il n’y a pas de quoi, le Parlement réclame le double ! Et les emprunts de la Commission sur les marchés s’échelonnent sur trois ans, tandis que leurs modalités de remboursement ainsi que l’affectation future des fonds restent à ce stade imprécisées.
Des deux côtés de l’Atlantique, les partisans de la rétention sont à la manœuvre, le terme d’apprentis sorciers n’étant pas inapproprié. Sans les y assimiler, c’est aussi l’heure pour les exorcistes de se manifester. Aux États-Unis, l’un des lanceurs d’alerte de la précédente crise, pour un temps économiste en chef de la mégabanque américaine Citibank, Willem Buiter, pense le moment venu de rappeler que « toute dette doit être payée » et l’expédie sans autre forme de procès en la qualifiant de « magique » la théorie monétaire moderne qui voit dans la création monétaire des banques centrales une bonne manière d’effacer la dette. Or, il ne croit pas au renouvellement des conditions qui ont prévalues à la suite de la seconde guerre mondiale, lorsque l’action combinée d’une forte croissance et de l’inflation l’ont progressivement rognée, ce en quoi il n’a pas non plus tort. Cela ne laisse selon lui que de pénibles solutions. La dette des entreprises pourra être convertie en prises de participation dans leur capital, mais il ne sera pas fait l’économie des réductions budgétaires et des hausses d’impôt, un cocktail différent suivant les pays.
« Annuler la dette, c’est toujours en transférer le fardeau à d’autres », assène de son côté Jean Pisani-Ferry, sans préciser à qui. Il annonce cependant que des créances vont devoir être abandonnées et des pertes sur les garanties de crédit reconnues, ce qui en donne une petite idée. L’essentiel de son propos est toutefois ailleurs, consacré à pourfendre les avocats de l’annulation de la dette, désignant Alain Minc et Jean-Luc Mélenchon qui préconisent à l’identique de convertir la dette en obligations perpétuelles ou de longue durée à taux zéro émises par la BCE. Un « tour de magie monétaire » selon lui, qu’il reconnait cependant être une solution de dernier ressort, car « elle appauvrit les épargnants, détruit les banques et dégrade la réputation financière du pays. » Ce serait cependant une « mystification » prétend-il ensuite, procédant d’une « conversion à l’économie vaudou ». Voilà qui justifie en effet un exorcisme.
Comme le petit Poucet, ils sont perdus, ne disposant que de miettes de pain pour retrouver leur chemin faute des petits cailloux de Charles Perrault…
L’ethique étatique serait d’abandonner certaines entreprises, de rentrer dans le capital d’autres, de mutualiser au niveau européen les dépenses militaires pour rester à budjet constant. Tout cela serait possible que dans une planification économique dont le but serait de nous préserver, nous le genre humain si vulnérable, en préservant notre environnement.
La religion de la croissance infinie dans un monde fini doit être politiquement actée, au niveau européen, comme une croyance qui est devenue anxiogène pour le moral des peuples. La capacité de charge de la planète est outrepassée!