Ils ont trois mois pour désamorcer la bombe lancée par les juges de Karlsruhe afin de stopper sa dynamique de démantèlement, dont le chef du gouvernement polonais a pris acte sans attendre. Après la BCE et la Cour européenne de justice (ECJ), c’était au tour de la Commission de réagir. Les deux premiers ont fait respectivement état de leur indépendance et de leur primauté, la dernière montre les dents en espérant en rester là.
La présidente de la Commission a répliqué à l’ultimatum de la Cour constitutionnelle allemande en laissant planer le suspens. Ira-t-elle jusqu’à entamer une procédure d’infraction contre l’Allemagne une fois étudié son volumineux arrêt ? Comment ce délai imprécis va-t-il être mis à profit ?
Ursula von der Leyen a déclaré sans ambiguïté que « la Commission européenne défend trois principes de base : que la politique monétaire de l’Union est une compétence exclusive ; que le droit européen prévaut sur le droit national ; et que les jugements rendus par la Cour de justice européenne sont contraignants pour les Cours de justice nationales ». Cela laisse à priori fort peu de place à un compromis.
Jens Weidmann, le président de la Bundesbank – principale banque de l’Eurosystème – ne peut pas se soustraire aux injonctions de la Cour allemande, contrairement à la BCE qui s’appuie sur la primauté de l’ECJ. Il va être l’homme de la situation et jouer les go-between, à moins qu’il s’y refuse. Pour leur part, Angela Merkel et Emmanuel Macron déjà opposés sur le mode et le volume du financement de la relance européenne, seront-ils en mesure de trouver un terrain d’entente ? Est-ce que cela sera l’occasion d’un « package deal » auquel Christine Lagarde sera associée, en toute indépendance ? C’est la version que l’on pourra qualifier d’optimiste, sans rien en attendre d’autre qu’un compromis ne réglant rien, à l’habitude.
Bonsoir,
La Commission européenne défend trois principes de base :
1) la politique monétaire de l’Union est une compétence exclusive,
2) le droit européen prévaut sur le droit national,
3) les jugements rendus par la Cour de justice européenne sont contraignants pour les Cours de justice nationales.
Au moins c’est énoncé sans ambigüité. Cela devrait convaincre ceux qui en doutaient encore de l’origine et orientations des récentes réformes imposées dans la violence non contenue.
Comme disait le général von Verdy du Vernois « De quoi s’agit-il ? »
En dernier recours de l’indépendance de l’Allemagne.
Les Allemands sont la seule nation de l’UE à avoir gardé son indépendance. L’euro est leur monnaie et comme tous les peuples ont pu s’en apercevoir, l’UE obéit strictement à la politique ordolibérale allemande qui accroit mécaniquement ses avantages comparatifs vis-à-vis des autres pays de l’Eurozone.
Les Allemands –et eux seuls puisque le droit est principalement le reflet d’un rapport de force- doivent maintenant choisir, la dette devenant insoutenable pour l’Italie, la France et l’Espagne, s’ils sacrifient leur indépendance au profit d’une gouvernance partagée avec les pays du « club méd. ». Dit d’une manière triviale, s’ils préfèrent un petit chez eux ou un grand chez les autres.
Les peuples étant différents et aucune avancée politique en matière de construction d’une identité européenne n’ayant été réalisée, on ne peut dans un monde qui devient de plus en plus chaotique que leur conseiller de ne pas lâcher la proie pour l’ombre. De rester inflexibles sur leur indépendance et d’obliger les Italiens à claquer la porte, leur faisant ainsi porter le chapeau de l’éclatement de la très mal-nommée Union européenne (demandez aux grecs).
La réponse de la BCE sera nécessairement une tentative impossible de conciliation entre 2 juridictions, l’une affirmant qu’elle est la clé de voute des institutions européennes, l’autre qu’elle incarne la souveraineté d’une nation. Le texte d’explication de la BCE sera une réponse juridique qui dira haut et fort qu’un cercle est un carré et qu’un carré est un cercle. Les meilleurs juristes seront mobilisés pour dire cela.
La suite de l’histoire dépendra du jeu de nombreux acteurs: la technostructure politico financière qui s’appuie sur la monnaie unique telle qu’elle est , les intérêts allemands très divergents (systèmes industriel, financier, mais aussi idéologiques voire anthropologiques), les intérêts des autres pays avec toutes leur complexité (luttes sociales, conflits politiques, etc.). Bien évidemment toute l’inertie du passé, mais aussi la radicalité du temps présent, viendront ajouter à la détermination de ses juristes à équilibrer de façon fort savante le texte de la réponse…La valeur du droit est aujourd’hui un peu comme un produit financier et se trouve censé contenir une foule d’informations… On marche sur un fil et on essaiera une fois de plus de gagner du temps. Nous sommes tranquille jusque septembre….mais attention à l’effet aile de papillon…ou le cygne noir comme dirait Taleb.