Encore une question à 1.000 milliards, cette fois-ci de dollars ! Au dernier pointage, 109 pays émergents ont dans l’urgence demandé de l’aide au FMI, asphyxiés financièrement. Et, d’ici la fin de l’année prochaine, 3.400 milliards de dettes arriveront à maturité et devront être soit remboursées soit « roulées » (renouvelées). La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) réclame l’élaboration d’un « cadre complet pour faire face à la dette souveraine insoutenable ». Problème, il fait défaut.
La suspension des remboursements et des intérêts par le FMI et de celle des pays africains par le Club de Paris ne sont que des pis-aller devant l’effondrement qui menace des pays simultanément touchés par la pandémie et la crise financière qui les affectent. Les défauts en série sont prévisibles et leurs conséquences sur le monde financier sont difficilement mesurables. Selon un scénario bien établi, en l’absence de toute restriction aux mouvements des capitaux, ceux qui étaient venus en masse profiter des taux d’intérêt élevés ont été brutalement retirés pour être investis dans la valeur refuge des bons du Trésor américain, imités par toutes les grandes fortunes locales. Les exportations et revenus des pays émergents ont chuté sous les effets de la baisse toute aussi brutale de la croissance économique, et l’écroulement du cours du pétrole joue son rôle pour les pays producteurs. Circonstance aggravante, le poids de leur dette s’accroit fortement car elle est souvent libellée en dollars, dont la valeur s’est appréciée par rapport à leur monnaie. Les budgets n’y résistent pas. Entrée dans l’actualité, l’Argentine est à nouveau au bord du défaut de paiement sur sa dette mais n’est qu’un éclaireur.
Le FMI et la Banque Mondiale sont aux premières loges de cette nouvelle catastrophe annoncée et ne sont pas démunis de moyens. Comment pourra-t-il être fait l’économie d’un grand plan d’ensemble de restructuration et d’allégement de la dette des pays émergents ? Mais la dette en question est disséminée dans le système financier dont tous les acteurs ne voient pas d’un œil favorable une restructuration et, pire encore, une annulation partielle. Les premiers épisodes de la renégociation de celle de l’Argentine illustre les antagonismes et l’âpreté de l’exercice. Dans le contexte international actuel, quelle autorité mondiale aura la volonté d’imposer l’issue qui s’impose ? Les États et leurs banques centrales, ainsi que les grandes banques, peuvent envisager un plan global se limitant à une restructuration, mais tous les investisseurs ne l’entendent pas ainsi. Les gestionnaires de fonds entendent privilégier les négociations pays par pays et jouer la montre, ce qui leur est plus favorable. Le temps ne leur est pas compté de la même manière. Tandis que les gouvernements craignent qu’une décision à laquelle ces gestionnaires ne seraient pas associés ait un effet pervers, les sommes économisées grâce aux mesures des créditeurs publics devant être consacrées à la rémunération des privés au détriment de dépenses sanitaires prioritaires. Il faut protéger la force de travail, toujours le même délicat arbitrage !
Un autre chapitre de l’endettement est ouvert, et il ne s’agit toujours pas de la dette publique, son tour viendra. Il a déjà abondamment été relevé par les grandes organisations internationales que les grandes entreprises avaient emprunté à tour de bras en profitant des taux bas. Non pas pour investir dans l’économie, mais pour rester à flot, voire rétribuer leurs actionnaires et s’adonner à la spéculation financière. Elles sont désormais entrées dans un cercle vicieux, empruntant plus que jamais pour faire face à leurs emprunts précédents, car quand les revenus chutent, le poids des intérêts s’accroit, l’endettement des entreprises en fait autant. Mais, cette fois-ci, les autorités ont réagi sans attendre. Elles sont soutenue par les achats de 750 milliards de dollars de dette d’entreprise par la Fed ainsi que par le programme gouvernemental de 600 milliards de dollars de prêts aux entreprises de taille moyenne. L’aléa moral dont il faut tant se prémunir quand il s’agit de la dette publique est évident.
Qu’en est-il aux États-Unis d’un autre secteur crucial pour la croissance, la consommation ? L’état effectif du crédit à la consommation y est masqué par un ensemble de mesures. La suspension des remboursements des crédits immobiliers hypothécaires est autorisée jusqu’à douze mois et des reports de paiement des cartes de crédit bancaires et des prêts automobile sont accordés sur simple demande pour trois mois ou plus. Qui est solvable et qui ne l’est pas dans ces conditions ? la valeur des crédits accordés – cet élément important de l’équilibre des institutions financières – est devenue une devinette.
Certes, en analysant la situation de ces marchés du crédit à la consommation, il peut sembler qu’il n’y a pas péril en la demeure, en dépit du nombre pharamineux des inscriptions au chômage de plus de 33 millions d’américains, entre 16 et 20% de la population active selon les sources. Mais ne serait-ce pas l’effet, à nouveau, des mesures qui ont été prises par les autorités ? La manne des prêts aux petites et moyennes entreprises, grosses pourvoyeuses d’emploi, n’est accessible qu’à condition que les salariés des entreprises qui en bénéficient ne licencient pas. Et le chèque de 1.200 dollars envoyé à chaque américain et de 3.400 dollars par famille n’est pas pour rien dans ce calme relatif apparent. Les réveils, dans ce domaine aussi, risquent d’être durs quand ces mesures cesseront de produire leurs effets. Une simple question de temps.
Pour l’instant, les apparences sont sauves. Pourvu que cela dure ! Martin Wolf a consacré l’une de ses dernières chroniques du Financial Times au rapport étroit existant entre l’accroissement de l’endettement et le développement des inégalités. Une chose est de s’interroger sur comment il va être possible de gérer le premier sous tous ses aspects, l’autre consiste à en fermer le robinet grand ouvert. Et les inégalités, comment renverser la vapeur ?
Sacré Covid-19 !
Quel bazar qu’il a mis ce virus !
Me fait penser à la construction de cette Maria II de Métropolis avec toutes ses mimiques répétitives, aguicheuses, grotesques mais victorieuse dans son entreprise de séduction des adeptes du veau … un vieux film muet qui en dit plus qu’il n’en faut sur bien des sujets qui nous occupent ce jour. A voir, ce que j’ai fait hier tout juste malgré l’inconfort de multiples coupures d’un réseau défaillant…
Le Métropolis de François Leclerc est plus complexe et se construit pas petites touches, colorées non pas vraiment, puisqu’en sous-sols plus rien ne tient et qu’au dehors du ciel on doit aussi se garder.
Reste ce qui vient du coeur nous dit Fritz Lang.
« Les exportations et revenus des pays émergents ont chuté sous les effets de la baisse toute aussi brutale de la croissance économique »
C’est l’activité économique elle même qui baisse, pas la croissance ! Il ne faut donc pas hésiter à employer le mot juste: décroissance (même si, devant l’horreur de la chose, les économistes officiels ne peuvent s’y résoudre.)
Dont acte ! effet de l’inattention…