Comment financer les mesures sanitaires destinées à faire face dans l’urgence et les conséquences économiques de la pandémie ? Les annonces se multiplient afin de sauver la face, mais sont-elles vraiment à la hauteur des besoins en raison de l’ampleur de la dépression dans laquelle nous entrons et de ses effets sur l’emploi ?
On a assisté à un remake du fameux « je vois les petites pousses vertes de la croissance » de la précédente crise, tout aussi vain, qui consiste à se raccrocher au « V » de l’alphabet pour signifier qu’elle sera de courte durée. Puis à une autre version prédisant des « pics » de la pandémie qui se révèlent insaisissables. La mesure de cette nouvelle crise n’est pas encore prise.
Parmi les annonces, la palme revient à celle de Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais, celle d’un don auquel son gouvernement contribuera « généreusement », dit-il pour redorer l’image écornée de son gouvernement. Mais il est destiné à financer exclusivement les dépenses sanitaires et élude tous les autres besoins. De son côté, le ministre allemand Olaf Scholz prétend faire un geste en supprimant les conditionnalités attachées aux prêts du Mécanisme européen de solidarité (MES), mais il plafonne ceux-ci à 100 milliards d’euros. Et 50 milliards supplémentaires de prêts pourraient provenir de la Banque européenne d’investissement, ce qui suppose le renforcement de son capital. Enfin, la Commission propose aux chefs d’État et de gouvernement de garantir un programme de financement du chômage partiel dont le montant pourrait atteindre 100 milliards d’euros.
L’importance des sommes ne peut pas faire illusion, une pincée ici, une pincée là, le compte n’y est pas. Ces programmes ne sont que l’illustration de l’art du possible dans les conditions politiques actuelles. Outre leur taille insuffisante, ils représentent le grand défaut d’être constitués – à l’exception des dons de Mark Rutte – de prêts qui devront être remboursés et qui vont alourdir l’endettement des pays les contractant. Quelles mesures devront-elles être prises dans l’avenir, afin d’y parvenir ? Qui payera au bout du compte ? (*)
A contrario, des émissions d’obligations européennes auraient deux avantages : elles pourraient mobiliser des montants en adéquation avec les besoins et ne seraient pas comptabilisées dans la dette de chaque État. Afin de passer par le chas de l’aiguille, le ministre français Bruno Le Maire défend la création d’un fonds dédié au financement du rétablissement économique, qui s’apparente le nom en moins à de telles émissions, mais on voit mal comment il pourrait être entendu.
À défaut d’en établir le calendrier, de premières déclarations évoquent l’étude d’une stratégie de déconfinement. Les autorités s’affirment maintenant responsables, mais elles sont fort taiseuses à propos d’un petit détail : qui règlera l’addition quand elle sera présentée ?
————
(*) Qui va payer ? on notera sur ce sujet épineux la contribution dans Les Échos du prix soi-disant Nobel d’économie Jean Tirole qui, après avoir énuméré les options disponibles, en vient à proposer par élimination et faute de mieux… la monétisation.