Plus le système financier grossit et se complexifie, plus il se fragilise, il n’y a pas de mystère. Et la régulation financière qui a pour objet de le renforcer ne fait pas le poids, ignorant des secteurs entiers de celui-ci. Mais on ne peut s’en tenir à l’évidence de cette constatation, car c’est par nature qu’il est instable.
Tout commence par l’évaluation de ce risque qui est au cœur du métier de financier. On devrait d’ailleurs dire des risques, tant il a de causes possibles. Quoi qu’il en soit, il est reconnu délicat à évaluer, voire impossible dès que l’on sort des produits financiers de base pour aborder les produits structurés complexes. Il ne reste plus alors qu’à faire semblant de le calculer, mais l’expérience du démarrage de la crise en cours a montré que les trous, lorsqu’il faut les combler, sont bien plus profonds qu’initialement estimés.
Parmi les risques figure celui de contrepartie, qui peut se traduire par la défaillance d’un partenaire lors d’une transaction. Pour s’en prémunir, il est d’usage de se garantir en lui demandant de fournir un collatéral – actifs ou liquidités – qu’il cédera en cas de malheur.
Pour que le collatéral soit une garantie acceptable, l’actif en question doit être de qualité, son risque le plus faible possible, quitte à pratiquer une décote. Pour se prémunir d’un risque mal évalué, il faut donc en évaluer un autre ! À ce jeu, les titres d’État sont les gagnants, qui sont conventionnellement (et comptablement) réputés sans risque. Est-ce bien raisonnable si l’on considère la montagne de plus en plus élevée de la dette publique ?
La « collatéralisation » des transactions s’est largement répandue, et avec elle la gestion du collatéral, cette denrée précieuse qui est disponible en quantité limitée comparée aux volumes des transactions. Il est bien tenté d’en minorer le besoin avec des chambres de compensations, mais chaque médaille a son revers, car celles-ci sont des concentrés de risque n’étant que faiblement capitalisées.
Et, même si elles sont plus fréquemment utilisées, il reste le cas des produits dérivés ne pouvant être compensés car non standardisés. En Europe, la réglementation EMIR tente d’atténuer le risque dont ils sont porteurs avec des mesures dérisoires, telles que la déclaration des transactions à un référentiel central afin de disposer en cas de besoin d’au moins un tableau de la situation.
Il n’y a pas d’autre image pour ce système que celle d’un échafaudage, une fois ajouté qu’il est instable. Ses multiples intervenants se tiennent par le bout du nez, par le jeu de contreparties réciproques et créent un nouveau risque qualifié de systémique, qui est destiné aux mégas établissements financiers. Car une défaillance de l’un d’entre eux pourrait aboutir à l’effondrement de tout le système. Pour ce risque-là les parades trouvées – plus de fonds propres pour les banques – sont elles bien à la hauteur quand les nouveaux mastodontes sont les fonds d’investissement ?
L’activité financière est scrutée pour tenter de discerner quelle va être l’origine de la prochaine crise aigüe que les financiers lucides s’accordent à considérer comme inévitable. Ils ont trouvé dans l’actualité un nouveau risque qui pourrait faire l’affaire, celui d’une soudaine dévalorisation des actifs carbonés, d’où la prudence avec laquelle leurs détenteurs et gestionnaires les traitent afin de ne pas la déclencher.
Enfin et pour conclure cette rapide revue, de tous les risques plus ou moins bien calculés, il y en a un que les financiers ne veulent pas prendre, c’est le risque de notoriété dont témoigne leur enthousiasme soudain pour le vert.
Mais qui vit par l’épée périra par l’épée…
La pandémie de coronavirus s’aggravant, un autre risque vient alors perturber les flux du système économique, gripper les finances des entreprises et mettre à l’arrêt la machine à produire.
Au figuré, un espèce de bouchon assez puissant pour faire exploser les tuyauteries du système et causer un dégât systémique avec effet domino en chaine.