Il n’en était pas moins attendu de lui ! Dans son rôle de gardien de la doctrine, Jens Weidmann a annoncé qu’il serait « très critique » si la BCE favorisait les titres verts dans sa politique d’achats obligataires. Ce serait selon lui pratiquer un mélange des genres entre ce qui relève de l’action gouvernementale et ce qui est du ressort des banques centrales. « De telles décisions ne devraient pas être prises par les banques centrales, car elles n’ont pas de légitimité démocratique », assène-t-il définitif. Pour la légitimité, on ne lui fait pas dire ! Dans la même logique, il ajoute qu’il « serait erroné d’utiliser la régulation bancaire afin de créer des incitations en matière de politique climatique ». Il en a pour tout le monde !
Chacun son métier et les vaches seront bien gardées, dit l’une des versions de ce proverbe ! Celui de la BCE consiste à assurer la stabilité des prix en jouant de sa politique monétaire. À la fiction de son indépendance correspond celle d’une distinction rigoureuse de celle-ci avec une politique économique réservée aux gouvernements élus. Si on comprend bien le président de la Bundesbank, la démocratie serait en jeu si la BCE empiétait sur leurs prérogatives !
Tout au long de son mandat, Mario Draghi a multiplié les entrechats en expliquant que ses transgressions répétées s’inscrivaient dans le cadre de la mission de la BCE, et respectaient ainsi le sacro-saint principe de la neutralité monétaire. Il n’avait pas le choix devant la carence des gouvernements européens, et a fait en la circonstance de nécessité vertu. Mais il a manié le paradoxe, faisant preuve d’autonomie en adoptant des mesures qui mettent en cause l’indépendance de la BCE, comme il lui a été reproché. Aujourd’hui, Christine Lagarde persévère au nom d’une bonne cause et emprunte le même chemin. Heureusement, la théorie tient toujours bon !
Comme le souligne Patrick Arthus dans sa chronique du journal Le Monde « plus les États seront défaillants (politique budgétaire trop restrictive de l’Allemagne, insuffisance du soutien de l’investissement de la transition énergétique), plus les banques centrales seront incitées à se substituer à leurs décisions. » Et il pose une grave question – jusqu’où cela peut-il aller ? Il n’apporte pas de réponse explicite mais prépare le terrain, le mal étant de toute façon déjà fait à suivre sa démonstration qui s’appuie sur l’évolution de la politique monétaire.
Sous sa forme actuelle, la démocratie a fait son temps. Ce système qualifié de moins mauvais possible n’est pas un modèle auquel il faudrait se résigner faute de mieux. Pourquoi serait-elle cantonnée à la sphère du politique, où elle est dévoyée, et non pas élargie à l’activité sociale dans son ensemble, notamment aux activités économiques ?
J’ai moi-même parlé de proto État sur mon blog. Ces gens ont dû me lire et il serait honnête de parler de mon texte où j’évoque ce changement de statut de la BCE.
Dont acte, cela m’avait échappé !