En ces temps de faible croissance, la santé des consommateurs dont la contribution à celle-ci est décisive mérite d’être suivie de près. Et, pour la diagnostiquer, il n’y a pas mieux dans le système dans lequel nous vivons que de surveiller leur endettement ainsi que les défaillances de remboursement de leurs crédits.
Aux États-Unis, la titrisation bat son plein sur le marché de la vente des automobiles, mais sa bonne tenue ne doit pas être prise pour argent comptant ! Car la Fed de New York enregistre un accroissement régulier du taux de défaut qui signale que les emprunts excédent les capacités de remboursement. Cela n’atteint pas la confiance des investisseurs et des analystes qui ne voient que le ratio moyen du chômage et les hausses des salaires, garants selon eux de la solidité du marché.
Certes, il ne s’agit pas d’annoncer une répétition de la crise des surprimes qui avait affecté le marché immobilier et précipité le monde financier dans l’abîme, car les montants en cause ne sont pas les mêmes. Toutefois, on ne parle pas de menue monnaie : selon la Fed le montant de la dette automobile atteindrait 1.300 milliards de dollars et le taux des défaillances serait de 4,8%, en constante progression, ce qui représente tout de même 62 milliards de dollars.
Comment alors expliquer la bonne tenue enregistrée sur le marché des Asset-backed securities (ABS) où le crédit automobile est titrisé ? Les agences de notation auraient-elles encore frappé en accordant des notations complaisantes ? Les émetteurs de ces titres, devenus sages, auraient-ils introduit dans leurs paquets de crédits titrisés les plus sûrs d’entre eux pour conserver à leur bilan les moins bien notés ? On se perd en conjectures.
Qu’en est-il des prêts étudiants qui défrayent régulièrement la chronique, ce qui a conduit Bernie Sanders à plaider la gratuité des études ? Ils représentent 11 % du total de l’endettement des américains, contre 3 % seulement début 2003. C’est leur deuxième source d’endettement, derrière le crédit immobilier (68 %) mais devant l’automobile (9 %). Début avril 2019, leur encours ressortait à 1.605 milliards de dollars, qui a triplé en l’espace de 12 ans d’après la Fed de Saint Louis. La dette des étudiants concerne près de 50 millions d’américains ; l’estimation du coût moyen de l’inscription à un cursus de quatre ans dans une université privée tourne autour de 35.000 dollars.
Traînant ce fardeau leurs études terminées, de nombreux américains ne peuvent pas accéder à la propriété immobilière ou s’acheter une voiture. Ce ricochet inquiète la Fed, car pouvant finir par affecter la croissance. En effet, d’après le think tank Urban institute, 15 millions d’étudiants pourraient faire défaut d’ici 2030.
Certes, ce risque de défaut pèserait essentiellement sur les finances publiques et non pas sur le marché, car la dette étudiante est majoritairement garantie par le gouvernement fédéral. Mais plusieurs hauts responsables de l’administration Trump se sont prononcés en faveur de sa privatisation afin de faire cesser cette « socialisation » des risques qui n’est pas dans leurs mœurs.
Dans cette attente, les yeux des banques, des hedge funds et des fonds de pension brillent à la perspective de rendements élevés. Une titrisation massive serait prévisible, afin – comme vérifié lors du démarrage de la crise financière ! – de diluer le risque en le faisant partager par un grand nombre d’investisseurs… Et si ce risque en venait à augmenter en raison d’une détérioration de l’économie, les conséquences financières de sa concrétisation seraient d’autant plus violentes que la qualité des ABS aura été mal évaluée. Ce mécanisme est implacable.
Mais il ne faut pas s’en tenir à ce survol des marchés du crédit. Pour comme toujours se méfier des moyennes. Si l’on prend le secteur des cartes de crédit, on observe en effet une grande disparité de situation entre le haut du panier, capté par les 100 plus grandes banques, et ce qu’il en est pour les 5.000 plus petites. Pour ces dernières, le taux de défaut est bien supérieur, de 6,25% selon la Fed, et il grimpe. D’où cela provient-il, alors que l’emploi n’est pas en crise et que l’inflation reste faible ? Les revenus ne suivent tout simplement pas et la précarité augmente, le moindre pépin tournant alors à la catastrophe et déséquilibrant les budgets. Et il s’instaure une spirale d’endettement, à taux élevé, une fois la cote de crédit dégradée en catégorie subprime. Le taux élevé du crédit permet alors à des prêteurs rapaces de compenser celui des défauts, surtout lorsqu’il s’agit des cartes de crédit dépourvues de garantie.
Soutenir la consommation et la croissance par l’endettement a ses limites, et le modèle s’avère vite fragile dès lors qu’il est trop tiré sur la corde. Comme les entreprises et les États restreignent les investissements chacun avec leurs raisons, on peut se demander quel moteur va-t-il rester pour assurer la croissance économique ? Seule prospère celui des actifs financiers, à l’origine de l’accroissement des distorsions.
Le marché n’est pas la solution, il est le problème.
« Le marché n’est pas la solution, il est le problème »
Et comme en plus il détruit le climat, un esprit épais pourrait (s’autoriser à) penser que le véritable problème se trouve dans la sujétion des pouvoirs publics au dit marché par l’entremise d’une corruption désormais systémique.
Ecco : remplaçons la totale délégation de pouvoir qu’est la démocratie représentative des corrupteurs, par la démocratie directe avec un contrôle permanent sur les élus.
Comment ? C’est une bonne question…
À laquelle d’ailleurs nous avons tous intérêt à répondre très rapidement car personne ne discute avec les lois de la thermodynamique.
L’effondrement a commencé. Il est politique
https://www.terrestres.org/2019/11/22/leffondrement-a-commence-il-est-politique/