La relance des mesures d’achats obligataires de la BCE décidées sous la présidence Mario Draghi est entrée en application, et l’ampleur des acquisitions d’obligations d’entreprise a surpris les analystes financiers. La critique montante d’un plan qui serait superflu est prise à contrepied : tout se passe en effet comme si la BCE avait élargi ses objectifs sans le crier sur les toits, ne se contentant pas de soutenir les États les plus faibles de l’Union par ses achats de titres souverains et avait ajouté une nouvelle corde à son arc en œuvrant à la stabilisation du marché de la dette des entreprises.
Incontestablement, il y a quelques raisons d’agir ! Les entreprises baignent dans un océan de dette, ce qui a conduit le FMI à tirer la sonnette d’alarme. « En cas de ralentissement marqué de l’activité, dans le plus sombre des scénarios, 40 % de la dette des entreprises dans les huit plus grandes économies, soit 19.000 milliards de dollars [ou 17.000 milliards d’euros], seraient exposés à un risque de défaut, soit plus que le niveau observé durant la dernière crise financière », a-t-il mis en évidence dans son rapport sur la stabilité financier de la mi-octobre. Et, selon l’Institute of international finance (IIF), un lobby des mégabanques, le montant de la dette des entreprises serait plus élevée que celles des États ou des ménages, pesant respectivement 91,4%, 87,2% et 59,4% du PIB mondial.
Pour sa première semaine, la BCE a donc fait l’acquisition de près de 3 milliards d’euros d’obligations d’entreprise, déjouant les pronostics. Cela s’explique aussi d’un point de vue plus technique, car la banque centrale s’approche de la limite de détention des obligations d’État qu’elle s’est donnée. D’autant qu’elle peut acquérir des obligations d’entreprise non seulement sur le second marché de la revente, comme les titres souverains, mais également sur le premier marché, lors de leur émission. Il reste à constater quelle part de l’enveloppe mensuelle de 20 milliards d’euros de son plan va être consacrée à de tels achats, mais l’intervention de la BCE vient à point nommé.
C’est d’autant plus le cas que, dans ce monde financier où les nouveautés ne manquent pas, la Bourse serait engagée dans une longue agonie. C’est en tout cas ce que prétendent ceux qui prennent en exemple la Bourse de Paris où les introductions en Bourse (IPO) ne compensent pas les sorties de la cote, illustrant une tendance selon eux irrésistible. Le marché des actions s’atrophierait et avec lui s’amenuiseraient les informations sur l’état de l’économie que l’on pouvait prétendre en tirer. Nous voilà bien ! Même si les cours boursiers en sont venus à correspondre à des valorisations des entreprises n’ayant plus aucun rapport avec la réalité de leur activité économique, et n’étaient donc, en fait de mesure, que celle de la spéculation.
De fait, les entreprises lèvent désormais des capitaux considérables sans faire appel au marché boursier. Ce qui ne les empêchent pas, cotées ou pas cotées, de privilégier le rachat de leurs actions à l’investissement, multipliant les cadeaux à leurs actionnaires et donnant une image de plus de la financiarisation mortifère accrue du capitalisme.
PS : Un sursaut a heureusement modifié la donne espagnole, un accord de gouvernement intervenant entre le PSOE et Podemos. Certes, il aurait mieux fallu y parvenir avant, mais l’essentiel est là. Comme il est souligné dans la presse, trouver une majorité au Parlement pour faire passer ses mesures ne va pas être une mince affaire pour ce gouvernement minoritaire, une fois que les portefeuilles ministériels auront été attribués.