Dans toutes les grandes villes algériennes, la mobilisation a été historique en raison de son ampleur, célébrant à fois l’insurrection de 1954 et les manifestations du « hirak ». L’ambiance était festive, les algériennes et les algériens manifestant leur plaisir et leur joie de se retrouver si nombreux. Évoquer une marée ou une déferlante serait le plus approprié.
Ni les arrestations et les emprisonnements qui se multiplient, ni la présence massive de forces policières dans les rues ne remplissent leur fonction d’intimidation. Manipulées, les élections présidentielles exigées par le régime militaire sont rejetées avec force, et l’on ne voit pas sur quoi elles vont pouvoir déboucher. Qualifiées de « noble démarche » par le général Gaïd Ahmed Salah à l’occasion d’une allocution prononcée lors de sa visite au Commandement des forces de défense aérienne du territoire, elles rencontreraient selon lui « une adhésion inégalée », « émaneraient de la volonté populaire » et exprimeraient « le haut niveau de conscience du peuple algérien ». On se frotte les yeux ! Les manifestants lui ont répondu en scandant « Gaïd Salah dégage ! Il n’y aura pas de vote cette année », décidés à obtenir le démantèlement du système.
Le chef d’état-major a menacé des foudres de la justice « la bande et ses relais » qui cherche à « perturber la sérénité de cette importante échéance ». Afin de passer à l’exécution, il sera toutefois nécessaire de négocier avec les juges et les procureurs la reprise du travail qu’ils ont cessé suite à un changement massif d’affectation de leurs postes ne respectant pas les procédures. Cela sera d’autant plus indispensable que les juges jouent un rôle important dans le processus électoral, et que sans eux la simple tenue des présidentielles deviendra problématique… Tout fout le camp.
Ces élections s’annoncent bien singulières, si finalement elles se tiennent. Les deux anciens Premiers ministres qui devancent un peloton de 20 candidats inconnus des algériens sont murés dans le silence et n’entament pas leur campagne électorale. Comme s’ils ne parvenaient pas à tenir le rôle qui leur est attribué dans une fiction à laquelle ils adhèrent sans y croire.
Les généraux au pouvoir ont perdu leur façade civile et tentent de la reconstituer. Ils ont pour eux la force policière et militaire, mais comment vont-ils l’utiliser, n’y parvenant pas, afin de quand même s’imposer contre un peuple qui les récuse ?
Le plus souvent c’est un pouvoir politique que le peuple doit affronter, avec la menace plus ou moins sous-entendue que l’armée pourrait s’en mêler si aucune solution n’est trouvée.
Là, comme vous l’écrivez, c’est l’armée elle-même qui est dans l’impasse. Si il n’y pas de formation politique qui soit prête à les remplacer, la suite des événements paraît difficile à imaginer.