En Algérie, les mobilisations massives de rejet du « système » se succèdent depuis huit mois. Mais l’armée, qui en est le cœur et se trouve désormais en première ligne sans paravent civil pour se masquer, se refuse à passer la main comme exigé. Où va-t-on ?
Les arrestations et les emprisonnements se multiplient, accompagnés d’une mobilisation policière ostentatoire destinée à faire craindre le pire. Mais, le temps ayant passé, ce régime en fin de vie n’a pas les moyens d’étouffer la protestation car cela signerait l’avènement d’une dictature pour laquelle il n’est pas bâtit. Ainsi, la tentative d’empêcher le 8 octobre dernier une manifestation du mardi des étudiants n’a pu être renouvelée après avoir suscité un regain de mobilisation le vendredi suivant.
Le général Ahmed Gaïd Salah se cramponne une nouvelle fois à la tenue d’une élection présidentielle trafiquée, l’annonce officielle étant déjà faite d’inscriptions massives très suspectes sur les listes électorales. Toutes les tentatives de conciliation qui supposaient la réalisation de préalables comme la libération des emprisonnés ont tourné court. Et le chef d’État-major se retrouve prisonnier de son inflexibilité, craignant d’être emporté s’il commence à céder, n’ayant plus d’autre issue que de fabriquer un simulacre d’élection présidentielle qui sera boycottée et ne réglera rien.
Car les choses ont été trop loin, la volonté des manifestants d’en finir avec le système ne faiblissant pas, un président « élu » dans de telles conditions ne pourra gérer le pays que s’il s’appuie étroitement sur l’armée, la gendarmerie nationale et les renseignements militaires. Et ce ne sera pas gagné pour autant. Les courroies de transmission du FLN et du syndicat UGTA ne pouvant plus remplir leur fonction, l’équipe qui se cramponne au pouvoir ne disposant plus de soutiens tangibles dans le monde politique, il ne restera plus comme unique option qu’une dérive autoritaire affirmée, un régime militaro-policier. Et les manifestants l’anticipent en scandant dès aujourd’hui avec dérision « mettez-nous tous en prison, le peuple ne s’arrêtera pas ! ».
Cette perspective s’inscrit dans un contexte économique détérioré qui va déplacer la protestation. Les recettes fiscales des hydrocarbures qui constituent 60% des recettes budgétaires de l’État connaissent une forte baisse aux causes profondes et durables. La crise économique est aux portes doublée de son pendant social. La tentative de sauver les meubles avec un projet de loi sur les hydrocarbures destiné à favoriser les investissements étrangers est déjà dénoncée avec colère dans la rue comme vendant le pays aux étrangers et ne produira pas de miracle.