La crise politique s’étant largement répandue en Europe, ses institutions prennent le même chemin, dont les difficultés à mettre en place la nouvelle Commission, qui prend du retard, donnent un avant-goût.
Emmanuel Macron a mal digéré l’échec de la candidature de Sylvie Goulard et, pour se disculper de son choix, a chargé Ursula von der Leyen, la présidente élue de la Commission. Boudeur, il annonce ne pas vouloir présenter un autre candidat avant la « stabilisation politique du Parlement ». Il pourra attendre longtemps. Les travaux de ce dernier vont s’inscrire dans un nouveau contexte mouvementé : le Parti populaire européen (PPE) et le Parti socialiste européen (PSE) n’y disposent plus de la majorité à eux deux comme auparavant, et il va falloir compter avec les Verts ou Renew Europe (anciennement Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, l’ADLE).
Une crise institutionnelle a été mise en avant pour masquer l’échec d’Emmanuel Macron. Ce ne sont en réalité que ses prémices. L’occasion de plus grandes tensions va se présenter quand il va falloir boucler pour l’adopter le budget pluriannuel de la Commission. La contribution britannique va disparaitre selon toute probabilité, tandis que de nouvelles dépenses seront à financer à propos du climat et des réfugiés. Dans quels budgets couper ? Où trouver de nouvelles ressources ? Entre les gouvernements, le Parlement et la future Commission, il y a là matière à de sérieux affrontements, les écarts entre leurs propositions actuelles se chiffrant en milliards d’euros (sur 5 ans).
Le dernier conseil des ministres franco-allemand a illustré la portée limitée des discussions, si l’on entre dans la pratique. Le président français cherche à préserver le projet d’Europe de la défense, actuellement examiné au Bundestag, tandis que la chancelière limite ses ambitions à l’adoption d’une procédure destinée à garantir que les employés d’une entreprise en déplacement au sein de l’Union européenne payent bien les cotisations sociales de leur pays.
Soyons justes, les deux partenaires veulent aussi assurer la protection des données des entreprises européennes. On est toutefois loin du grand souffle et de la détermination commune qui serait nécessaire pour faire face aux échéances qui se présentent et pour affronter les défis technologiques devant lesquels se trouve l’Union européenne, où elle ne brille pas par son excellence face aux États-Unis et à la Chine. En particulier dans le domaine des batteries, nerf de la guerre commerciale à venir de la production automobile, car dans celui des micropuces électroniques, la bataille est déjà perdue.
Cela renvoie une fois de plus à la première puissance économique allemande. Grâce à la diminution des heures de travail, le chômage n’augmente pas, la flexibilité de la réglementation permettant d’amortir la baisse de la production manufacturière. Mais c’est au tour de la grande banque d’origine néerlandaise ING de s’inquiéter, dans un article publié sur son site internet, d’une récession qui pourrait toucher toute l’Europe et déclencher une nouvelle crise de l’euro. L’adoption d’un « stimulus » est réclamée, mais il est craint – non sans de bonnes raisons – que l’affligeante orthodoxie allemande encourage le gouvernement à persévérer dans la voie des réformes structurelles et de l’austérité budgétaire.
Il faudra bien qu’un gouvernement se résolve à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, à savoir que les autorités allemandes jouent pour leur propre compte et contre l’Europe.
Deutschland Uber Alles, Make America Great Again, Let’s Take Back Control, Parse que c’est notre projeeeet …
Sur le Titanic, ils avaient au moins quelques canots de sauvetage.