Les autorités allemandes n’ont pas lésiné pour rappeler à l’ordre Mario Draghi et Christine Lagarde. La pilule des dernières mesures adoptées sous les auspices du premier a été dure à avaler et il ne faudrait pas que la seconde persévère dans la même voie comme cela se présente.
Afin de ne pas paraître mettre en cause l’indépendance de la BCE par une critique gouvernementale, le ban et l’arrière ban d’anciens banquiers centraux a été convoqué pour intervenir es qualité mais aussi en tant que citoyens européens. Venant dans un second temps à la rescousse des opposants internes à la BCE au nouveau train de mesures accommodantes et ponctuant la démission de Sabine Lautenschläger de celle-ci. Les dirigeants allemands sont désormais sur la défensive et usent de leur influence.
Se retrouvent signataires d’un texte virulent deux de ses anciens économistes, Jürgen Stark et Otmar Issing, d’ex-présidents des banques centrales autrichienne et hollandaise, Klaus Liebscher et Nout Wellink, un ancien président de la Bundesbank, Helmut Schlesinger et Hervé Hannoun, un ancien sous-gouverneur de la Banque de France. Et, pour faire bonne mesure, cet aréopage distingué de « faucons » de la politique monétaire se prévaut du soutien de Christian Noyer, ancien gouverneur de la Banque de France et du vénérable et vénéré Jacques de Larosière.
Selon eux, la politique de la BCE repose sur un « mauvais diagnostic », le danger d’une spirale déflationniste n’existant pas. Ce qui la conduit à financer les dépenses publiques et à contrevenir aux dispositions du Traité de Maastricht, dans l’intention de protéger les gouvernements endettés d’une hausse des taux d’intérêt qui serait fondée.
Les signataires ont compris que Mario Draghi voulait entraîner la BCE à poursuivre durant une longue période les mesures entrainant les taux négatifs ou très bas du marché obligataire. Tout doit donc être fait pour l’en empêcher car plus cette politique durera, plus son échec sera retentissant. En suscitant la recherche de rendement, elle gonfle artificiellement les prix des actifs, ce qui ne peut aboutir qu’à une brutale correction sur le marché, ou même à une profonde crise.
Au final, leur verdict est sans appel, la BCE est selon eux « menacée de perdre le contrôle de la création monétaire et de son indépendance ». Envisageant le pire, ils ajoutent « de jure ou de facto », une hypothèse pourtant fort peu probable car concernant le droit, l’unanimité est requise pour toute correction du Traité.
Une deuxième offensive est venue du PDG d’Allianz, la compagnie d’assurance allemande leader en Europe. Dans une interview au Financial Times, Oliver Bäte sonne également l’alarme. Le secteur de l’assurance voit en effet ses marges fortement s’éroder et doit faire face au risque de ne plus pouvoir délivrer les intérêts de leur placement à ses clients détenteurs d’assurance vie à capital garanti. Sans surprise, il a repris les accusations allemandes traditionnelles dans un pays où l’on qualifie les taux issus de la politique de la BCE de « punitifs ». La politique monétaire aurait été politisée et mise au service de la débauche budgétaire des pays du sud, avec comme conséquence de leur éviter de réaliser les réformes indispensables.
On connait le poids politique des retraités en Allemagne, dont le bas niveau moyen des pensions implique l’appoint d’une épargne. Ce qui explique sans doute l’attitude différente des assureurs européens suivant qu’ils sont allemands, italiens ou français. Ces derniers, plutôt que s’opposer à la BCE, préfèrent parler pédagogie et éducation de leurs clients afin de les entraîner à accepter de risquer une partie de leur capital pour le voir mieux rémunéré. Une série de dispositions contraignantes iront dans le même sens. Les retraités européens vont bientôt connaître les joies de la finance contemporaine, rejoignant les nombreux américains détenteurs de « 401 (k) », le système d’épargne retraite par capitalisation, qui ont été rincés lors du démarrage de la crise.