Arbitre du respect par les gouvernements de la zone euro du pacte faussement appelé pour faire alléchant de stabilité et de croissance (SGP selon l’acronyme anglais), la Commission voudrait sortir d’une situation impossible.
Les deux années précédentes, il lui a déjà été vertement reproché son laxisme à l’égard du gouvernement italien. Ce n’était d’ailleurs pas les seules fois où elle faisait preuve de complaisance, l’Italie étant un trop gros morceau pour être traité comme la Grèce, une expérience que les dirigeants européens traumatisés se sont promis de ne pas renouveler. Dorénavant, elle voudrait repartir sur des nouvelles bases lui évitant de prêter le flanc à cette même critique.
Elle s’est donnée douze mois pour reformuler les règles du pacte dont elle est chargée de vérifier la bonne application, faisant valoir sa complexité et arguant qu’elles nécessitent un document de 108 pages pour être explicitées puis appliquées. Un prétexte qui a tout de l’écran de fumée. Un document de travail titré SGP 2.1. – annonçant une deuxième version du pacte – est en discussion en interne et repose sur une « simplification substantielle » du SGP d’origine, auquel le Financial Times a eu accès. De l’art de nommer de manière anodine ce qui ne l’est pas !
Le contexte de ralentissement de la croissance et de récession qui réduit les marges de manœuvre budgétaires des gouvernements n’est pas étranger à cette démarche. Alors que la nouvelle coalition italienne, à peine constituée, réclame sans surprise un assouplissement des règles, annonçant qu’elle n’appliquera pas l’augmentation de la TVA requise en cas de rejet de son projet de budget pour non-conformité. En priorité, parallèlement aux réflexions internes en cours, il va donc devoir être trouvé dès cet automne un terrain d’entente avec le nouveau gouvernement italien.
Si ce n’était que cela ! Des positions résolument antagoniques, bien ancrées, divisent les autorités européennes, entre celles qui voudraient introduire une flexibilité en permettant une approche plus politique des règles, et celles qui s’en tiennent fermement à leur pure et dure application, suivez mon regard ! La vieille image des faucons et des colombes est resservie à cette occasion.
Ursula von der Leyen, qui n’a pas encore pris ses fonctions, s’en est tenue devant les députés européens à une formule qui ne mange pas de pain en préconisant d’utiliser toutes les flexibilités permises par les règles, mais les gouvernements italiens antérieurs du Parti démocrate les ont déjà toutes utilisées et épuisées sous Matteo Renzi. Soumis à une obligation de résultat, les fonctionnaires impliqués dans l’élaboration en cours reconnaissent qu’ils vont devoir agir avec une grande prudence, étant donné « le haut niveau de polarisation et de méfiance entre les avocats d’une application automatique des règles et une approche reposant sur une appréciation circonstanciée ».
Il est question de repenser les objectifs d’endettement, plus particulièrement pour « les économies les plus vulnérables ». Les pays en dépassement de déficit doivent aujourd’hui réduire annuellement leur dette d’un vingtième afin de la réduire au seuil maximum de 60% du PIB, et les autorités de Bruxelles reconnaissent en privé que cet objectif n’est pas atteignable. Limiter les déficits budgétaires est une chose, mais réduire l’endettement en est une toute autre dans le contexte récessif actuel qui est appelé à durer, voire à s’approfondir. Cela ne laisse à la Commission que la possibilité d’infliger une lourde amende en cas de manquement, une décision qu’elle a évité de prendre jusqu’à maintenant car elle ne mène nulle part.
Signe que la question est très sensible, un porte-parole de la Commission a minoré l’importance du document qui a fuité pour n’avoir reçu l’imprimatur ni de la hiérarchie politique, ni de l’équipe chargé de la transition, ni de la nouvelle présidente. Il faudra bien aller au feu !