Les taux négatifs n’ont pas fini de faire parler d’eux. Le Bund, l’obligation allemande à 10 ans, a atteint en séance -0,61%. Le stock d’obligations traitées à un taux inférieur à zéro ne cesse de rapidement augmenter. 15.000 milliards de dollars de titres sont déjà dans ce cas, qui n’ont pas seulement des États comme émetteurs.
Plus de 1.000 milliards de dollars d’entre eux ont été émis par des entreprises qui croulent sous les liquidités, et ce montant a doublé en l’espace de quelques semaines. Fin juillet, les entreprises européennes y contribuaient à elles seules pour un montant de 825 milliards d’euros. La très forte demande des investisseurs a tiré ces titres à la hausse et mécaniquement diminué leurs rendements qui n’étaient pas négatifs à l’émission.
Bénéficiant de cette aubaine, les entreprises pourraient en profiter pour investir massivement, se dit-on, mais ce n’est pas le cas, elles font le choix de distribuer des dividendes à leurs actionnaires quand elles ne rachètent pas leurs actions sur le marché pour en faire monter le cours, dans la même intention de leur plaire. Quelles sont donc ces entreprises ? En priorité les plus grosses capitalisations boursières du monde qui pour la plupart affichent un faible niveau d’endettement et disposent d’importantes liquidités. En tête du peloton figurent Google, avec 117 milliards de dollars disponibles en cash, et Apple avec 102 milliards.
Dans un tel contexte, on mesure mieux l’effet qui peut être attendu des prochaines mesures de la BCE en termes de baisse des taux ou de déversement de nouvelles liquidités sur un marché qui en regorge et dont les investisseurs ne savent plus quoi faire. Coincés comme ils le sont entre un marché obligataire qui rapporte une misère et un marché des actions à risque, hésitants à se tourner vers la dette des pays émergents ou le « high yield ». Devant la menace des coups de tête de Donald Trump et de la venue d’une récession, ils jouent de plus en plus la sécurité, créant la dynamique que l’on observe. Enfantant d’un monstre, un monde où il faut payer les emprunteurs, où le capital a toujours une valeur, mais négative. De quoi interroger ceux qui ont les idées les plus arrêtées mais qui ne veulent pas en démordre, pourrait-on croire à tort…
Même le marché des prêts aux particuliers commence à être touché. C’est le cas au Danemark, où une banque propose un crédit immobilier sur 10 ans avec un taux d’intérêt fixe de -0,5%. En réalité, les frais facturés par la banque aux clients permettront à celle-ci de dégager une petite marge, mais l’effet d’affichage est garanti. Les banques françaises n’en sont pas là, se réfugiant derrière le code civil qui stipule qu’un emprunt doit être remboursé. Les petits malins feront toutefois noter que lorsque le taux du crédit est inférieur à l’inflation, l’emprunteur est déjà gagnant !
les taux zéro ne sont plus une marque de confiance en l’avenir, lorsque l’investisseur refuse une prime de risques. C’est plutôt un manque de confiance global qui génère cette course à la sécurité « apparente » et la recherche d’un refuge.
Par contre, je n’arrive pas à comprendre le comportement des banquiers centraux : ils doivent bien constater l’échec de leurs politiques à l’origine de l’inflation des actifs et des patrimoines, mais peu d’impact dans l’économie réelle… donc zéro « ruissellement ».
L’article a déjà trois ans, une éternité en matières financières, mais les mécanismes qu’il décrit sont toujours d’actualité. Tout juste est-il possible de se rendre compte à sa lecture combien l’impuissance des banques centrales perdure et combien la situation s’est dégradée en l’espace de trois ans.
Les banques centrales prises à leur propre piège
https://www.lerevenu.com/placements/economie/les-banques-centrales-prises-leur-propre-piege
merci Roberto, pour cette raison, je ne comprends vraiment pas l’obstination des banques centrales persévérant dans leurs mesures non conventionnelles inefficaces … pour éviter un effondrement ?? Elles ne font qu’amplifier son potentiel…
il me manque des « neurones » pour piger…
bien à vous.
Cher Karluss,
Vous n’êtes pas le seul à rien comprendre, d’ailleurs à la réflexion je me demande si il y a vraiment quelque chose à comprendre.
J’entends de toute part que c’est la fête du slip côté des taux d’intérêts actuellement, que l’argent coule à flot presque gratuitement qu’il n’y a pas ou quasiment pas d’inflation.
Pourtant dans l’immobilier cet accès à l’argent « facile » renchérit durablement et fortement les prix du m2. A un point ou j’aimerai bien savoir qu’elle est l’écart réel de marché entre des taux vers 5% vs m2 TTC et 0,85% vs m2 TTC. On aurait de drôle de surprise. Et c’est valable pour tous les biens en fait. Et comme dit la publicité (en tout petit) un crédit vous engage ! Alors, c’est in fine qu’on voit le propriétaire, ce qui avec des taux à zéro voir négatifs, et la réalité économique future, laisse à mon humble avis un possible retournement aux détriments des emprunteurs. Car si les taux longs sont bas comme le dit Jorion c’est que les prêteurs ne croient pas en l’activité future. Ils feront quoi les emprunteur, malgré de faibles remboursement, d’un bien décoté de 30, 40, 50 % dans 5 ou 10 ans si les perspectives que nous anticipons tous ici se concrétisent (crise majeure pire que 2008, ie chômages, baisses salaires, pénuries, hausse des biens courants, de l’énergie) ?
Ce qu’il y a comprendre, c’est qu’on nous vend de la science économique où il n’y a que de la volonté politique et des choix d’humains, avec d’autres humains. Aucune Science, aucune Loi réelle, rien que du vent, rien que des sentiments, des sensations, de la morale et des rapports de forces.
merci Cloclo, ces banquiers centraux ne seraient que des rouages au service d’idéologies… (j’enfonce une porte ouverte ^^)
bonne journée à tous.
Bonjour
Question aux experts:
Peut-on faire un parallèle entre la politique monétaire de la BCE et la théorie de la monnaie fondante de Silvio Gesell avec pour conséquence une réduction de la thésaurisation et le recyclage des liquidités dans l’économie réelle ?
Bien à vous
Il est en effet tentant de voir les taux négatifs actuels comme la concrétisation (non désirée) de l’idée de monnaie fondante de Silvio Gesell. Et après tout, si l’idée est bonne pourrait-on se dire, peu importe son cheminement du moment qu’elle se réalise.
Sauf que non. Silvio Gesell vivait dans le monde antédiluvien où la masse monétaire d’un pays indexée sur l’étalon-or avait un rapport réel avec son économie et les richesses produites.
Rien à voir donc avec la finance globalisée où l’argent électronique parcours la planète à la vitesse de la lumière en passant par les hubs des paradis fiscaux et juridiques, où la masse monétaire n’est plus déterminée par les besoins de l’économie mais par ceux de l’industrie financière.
Dans le monde de Gesell, la monnaie fondante sert l’économie en pénalisant la thésaurisation et en favorisant l’allocation des capitaux là où ils sont nécessaires.
Dans notre monde de cinglés, les taux négatifs sont une mitrailleuse à bulles financières puisqu’ils incitent à l’endettement et à la spéculation.
(en précisant que ma ceinture jaune en astrologie financière ne saurait suffire à me qualifier « d’expert »).