Quand l’Allemagne tousse, toute l’Europe s’enrhume ! Ce qui était valable hier pour Boulogne-Billancourt peut s’appliquer aujourd’hui à une échelle bien plus vaste. L’économie allemande flirte avec la récession et pourrait vite y plonger, entraînant la zone euro toute entière. Et il ne s’agit plus aujourd’hui des conséquences de la crise de l’automobile, mais d’une tendance plus générale qui menace d’être encore accentuée par les effets de la guerre commerciale entre les États-Unis et le Chine, ses deux principaux clients.
Il ne va plus être possible de financer l’augmentation de la dépense publique par la croissance économique, cette situation dont Angela Merkel a longtemps bénéficié. Et un débat est engagé au sein de la coalition gouvernementale, touchant à l’hérésie que représenterait le financement du programme climatique par emprunt. Car racler les fonds de tiroir n’y suffit pas. L’endettement pourrait perdre son caractère de mal absolu, même si son objet était rigoureusement encadré, prenant à rebrousse-poil cette opinion largement répandue dans l’opinion publique.
Symbolique, cette éventualité a une dimension politique. Les membres de la CDU et la vieille garde du SPD sont totalement opposés à ce qu’ils assimilent à un reniement, mais il n’est pas exclu que la nouvelle direction du SPD voit la chose sous un autre angle. Se serait alors la fin de la Grande coalition.
Une autre atteinte à la politique budgétaire européenne, plus radicale, peut rapidement survenir en Italie, au débouché de la crise politique. Matteo Salvini a finalement sauté le pas et demandé de nouvelles élections, la Ligue étant la grande favorite. Elles pourraient avoir lieu dès cet automne, le Parlement devant préalablement refuser d’accorder sa confiance au gouvernement actuel. Le poste de Premier ministre lui serait naturellement destiné. En pleine adoption du projet de budget 2020 destiné à être présenté à l’examen de la nouvelle Commission européenne, qui se mettra en place simultanément. Une conjonction qui ne va rien arranger.
Quelle va être la politique du nouveau Premier ministre ? L’ampleur de sa majorité parlementaire va le déterminer, suivant qu’elle sera simple ou aux deux tiers. Il aura beaucoup plus de pouvoirs, y compris pour modifier la constitution, dans le dernier cas. Mais, en tout état de cause, il sera fortement tenté de lancer une monnaie parallèle permettant de formellement rester au sein de la zone euro tout en appliquant son programme fiscal dispendieux.
L’Allemagne fait face à une entorse à ses propres principes que résume la formule « schwarze Null » (déficit zéro), cette vache sacrée qu’il n’était pas question de déranger. L’Italie, troisième puissance économique de la zone euro, est désormais proche d’une fracture à l’initiative d’un parti d’extrême-droite. L’immobilisme n’est décidément pas une politique, mais il n’en ressort pas pour autant d’alternative émancipatrice.