Les autorités européennes continuent de buter sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) et ont renvoyé à un Conseil des chefs d’État et de gouvernement ultérieur l’adoption de la « neutralité carbone » prévue pour 2050, faute d’avoir pu l’entériner.
Par cet objectif lointain, ils avaient déjà prévu se donner des marges de manœuvre afin de compenser une réduction des GES inférieure à celle initialement prévue. La création de « puits de carbone » devrait y suppléer, fruit de l’accroissement des surfaces forestières et de l’implantation de techniques permettant de les capter et de les stocker.
Mais la transition énergétique réclame des financements élevés, et les représentants de quatre pays ont réclamé une aide financière, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et l’Estonie. La transition écologique leur coûte plus cher en raison d’un mix énergétique plus polluant. Les autorités européennes ne sont cependant pas prêts de l’accorder, n’ayant pas encore engagé la discussion qui s’annonce tendue sur le budget pluriannuel de la Commission (2021-2027), qui devra donner lieu à des renoncements, afin de notamment combler la disparition de la contribution britannique.
Avant toute chose, ce blocage montre combien la règle de l’unanimité des pays de la zone euro qui prévaut dans de nombreux domaines est paralysante, et que la décision d’y substituer des majorités qualifiées devrait s’imposer. C’est notamment le cas en matière fiscale, l’unanimité ayant été déplorée par le commissaire Pierre Moscovici, sans toutefois plus d’effet. Mais un tel changement s’inscrirait dans la logique du renforcement des institutions européennes, et ce n’est pas aujourd’hui dans l’air du temps. Elle exprimerait une solidarité européenne qui ne l’est pas d’avantage. À qui la faute ?
L’adoption d’un calendrier permettant d’atteindre la « neutralité carbone » rencontre un autre obstacle, sur lequel il était prévu de passer allègrement outre. Les technologies de capture et de stockage des gaz à effet de serre qui sont appelées à la rescousse sont loin d’être au point, et l’augmentation des surfaces consacrées à l’implantation de nouvelles forêts est on s’en doute limitée. Comme le sont les marges de manœuvre que les autorités veulent se donner, qui adoptent pour l’occasion un procédé appartenant à la grande famille des fuites en avant.
Les besoins de financement sont là, mais les gouvernements européens ne se donnent pas les moyens d’y répondre. Pour certains, la BCE pourrait émettre des obligations afin de dégager les financements nécessaires, mais ce n’est pas non plus dans l’air du temps et a un petit côté tour de passe-passe. Une allocation des capitaux adéquate est en question, mais ce n’est pas vraiment la direction que le marché leur imprime, et les autorités qui pourraient l’orienter ont clairement abdiqué…
La construction de l’Europe a été dans un premier temps incomplète et en a subi les effets. Celle-ci est désormais au milieu du gué, sensible à tous les courants, et toute l’énergie des autorités va devoir être consacrée à la maintenir dans cette position inconfortable et instable.
« Mais un tel changement s’inscrirait dans la logique du renforcement des institutions européennes, et ce n’est pas aujourd’hui dans l’air du temps. Elle exprimerait une solidarité européenne qui ne l’est pas d’avantage. À qui la faute ? »
Je pense qu’il y a une confusion: l’euroscepticisme se nourrit aussi de la faiblesse décisionnelle de l’UE. Cette règle de la majorité qualifiée serait problématique, mais elle est surtout problématique dans un contexte ou le parlement ne dispose pas d’initiative législative. Parce que la défiance à l’égard de l’UE se nourrit de plein de petites choses…