Les mégabanques européennes font à nouveau parler d’elles, préférant ne pas monter en première ligne et laisser agir leurs lobbies. La Fédération bancaire français (FBF) n’y rechigne pas, les banques allemandes ne manquant pas d’autres préoccupations et se contentant de suivre.
La finalisation de la transposition de la réglementation Bâle III, qui doit entrer en vigueur en 2022, agite dès à présent le beau linge. Avec à la clé une question à 39 milliards d’euros, soit le montant estimé par l’Autorité bancaire européenne (ABE) des fonds propres obligatoires supplémentaires contestés. De quoi peser sur le rendement des banques concernées, qui se défendent en argumentant que cette contrainte supplémentaire amoindrirait leur rôle économique et atteindrait la souveraineté financière de l’Europe en mettant à mal l’égalité de traitement avec les mégabanques américaines. Bref, la transposition qui est en vue n’est pas « appropriée ».
Il avait fallu deux ans, en 2017, pour résoudre un problème simple dans son énoncé : comment calculer le niveau de risque de chaque banque en fonction de ses expositions ? Mais les banques y reviennent, voulant conserver leurs « modèles internes » et refusant l’adoption d’un seuil minimum de fonds propres comme cela avait été décidé, même si cette contrainte était lissée sur 5 ans. Accréditant l’idée qu’elles minimisent leurs besoins réglementaires de fonds propres en sous-estimant leurs risques.
Sous ses apparences très techniques, sans entrer dans les détails, leur acharnement n’est pas innocent. Et il n’est pas fortuit que les plus grandes banques comme BNP Paribas et la Société Générale soient à la manœuvre. Comme si c’était elles qui utilisaient au mieux à leur avantage les modes de calcul du risque hypothécaire et qu’elles avaient le plus à perdre de l’adoption d’un plancher. En l’état actuel des choses, ces mégabanques verraient en effet leurs exigences minimum de capital bondir de 28 %, contre une moyenne de 19 % pour l’ensemble des banques. La FBF avance des chiffres supposés dissuader de poursuivre sur cette voie : les exigences de fonds propres sur les expositions des prêts hypothécaires seraient multipliées par 2,6, et par 4 pour le financement des avions. Une argumentation qui permet de penser que, dans ces deux secteurs au moins, les mégabanques sous-estiment leur risque et que les nouvelles règles sont au contraire justifiées dans le cadre d’une philosophie sommaire de la régulation reposant sur l’augmentation des fonds propres des établissements « systémiques », afin qu’ils absorbent mieux leurs pertes en cas de malheur, sans la propager.
L’heure est au relâchement des mœurs financières et, venant d’outre-Atlantique, à l’accroissement constaté de l’effet de levier, générant l’accroissement du risque, ainsi qu’à celui des transactions peu garanties (covenant lite ou cov-lite dans le jargon). Quoi que l’on pense des limites de la régulation financière, est-ce bien le moment de baisser la garde au nom de l’égalité de traitement entre les banques américaines et européennes ? On reconnait là l’argument majeur usé en faveur de la dérégulation. Ces systèmes bancaires diffèrent par de nombreux aspects, ce qui interdit d’en isoler un sans tenir compte des autres.