L’Italie pourra-t-elle passer au travers des mailles du filet de la procédure de déficit excessif lancée par la Commission ? Rome s’y essaie, arguant que le déficit pourrait même descendre en dessous de 2% et feignant d’ignorer que la procédure a été engagée en raison de l’accroissement de l’endettement, l’aspect le plus préoccupant des manquements italiens aux obligations du Traité.
La raison de cet optimisme ? le déficit italien pourrait être cette année inférieur au 2,04% de déficit conclu entre Bruxelles et Rome en décembre dernier lors de la dernière passe d’armes. Giuseppe Conte, le président du Conseil, vient de surprendre son monde en déclarant qu’il était possible de contenir le déficit à 2,1%. Et un responsable du Trésor s’est refusé à confirmer à Reuters le chiffre de 1,8% de déficit en 2019 évoqué par Claudio Borghi de la Ligue, tout en jugeant « possible » de limiter le déficit à 2% du PIB, ou même moins.
La réduction du déficit proviendrait de l’application de deux mesures gouvernementales, la possibilité d’un départ anticipé à la retraite et le revenu de citoyenneté sous conditions de ressources, qui sont moins populaires que prévu et donc moins onéreuses pour le budget de l’État. Ainsi que des recettes fiscales en hausse de 1,0% sur un an en dépit de la stagnation de l’économie, alors que le gouvernement ne tablait que sur 0,6%. Claudio Borghi explique aussi que l’amnistie fiscale qui permet à un contribuable de solder ses différends avec le fisc en s’acquittant d’une somme forfaitaire a eu un rendement supérieur aux attentes, tout comme les mesures prises contre l’évasion fiscale.
Cela étant, dans quelle mesure le gouvernement va-t-il profiter de ces marges de manœuvre ? Le Mouvement des Cinq Étoiles entend consacrer l’amélioration des comptes à des mesures de relance, et la Ligue prône des allégements fiscaux. Il n’est pas question de réduire la dette.
L’heure est en tout cas à l’apaisement, le ministre italien de l’Économie Giovanni Tria ayant déclaré que le recours à des « minibons » du Trésor pour rembourser la dette de l’État à ses fournisseurs serait illégal et inutile. Et Matteo Salvini, le leader de la Ligue, a pour l’instant cessé de jouer les matamores avec Bruxelles.
Le déficit budgétaire était jusqu’alors l’objet principal des attentions, avec l’Italie c’est la dette qui vient au premier plan. Un terrain particulièrement épineux si l’on considère qu’elle est dans son cas plus du double du plafond des 60% du PIB inscrit au Traité (132,2% en 2018), et que l’on ne voit pas comment l’Italie pourrait parvenir à respecter cette norme tant l’écart est important.
La question de la soutenabilité de la dette a été évacuée par des artifices dans le cas de la Grèce, car il s’agissait de rembourser des prêts publics, ce qui n’est pas le cas pour l’Italie. Tôt ou tard, une exigence s’imposera, celle de réduire la dette de tous les pays européens d’une manière ou d’une autre, sous la forme de défauts organisés, afin de solder le passé et de repartir sur des bases saines. Mais les autorités européennes, prisonnières de leurs dogmes, préféreront faire l’autruche le plus longtemps possible, de cela on peut être certain.