Dans tout le pays, une foule énorme comparable à celle des cinq vendredis précédents a clairement adressé au général Gaïd Salah, le chef d’État-major de l’armée, une fin de non-recevoir. La tête de Bouteflika lui est dorénavant offerte, mais comme les manifestants l’ont scandé, « le peuple veut que vous partiez tous ! »
Les uns après les autres, les soutiens du président zombie font défection, mais cela ne change en rien l’équation du pouvoir. Tour à tour, les reculades tardives se révèlent insatisfaisantes. Montrant comment le système reste démuni devant une crise qui le dépasse. Les manifestants, eux, savent à quoi s’en tenir en s’opposant à un système, à une caste et aux clans qui le composent. L’État algérien n’est fait que de réseaux d’allégeances, de soumissions et d’intérêts croisés.
Le départ d’Abdelaziz Bouteflika qui était hier impensable est aujourd’hui chose dépassée. La chute des premiers piliers du système marque le début de sa désagrégation. L’armée cherche à le reconfigurer, mais les personnalités civiles font défaut. Ancien ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, le premier ministre nommé le 11 mars dernier, ne parvient pas à constituer une équipe. Lui-même est bien parti pour figurer dans une prochaine charrette, en raison de ses liens avec Nacer Bouteflika, le frère d’Abdelaziz, qui tirait les ficelles dans l’ombre.
L’armée, qui a l’initiative et va la conserver dans le vide ambiant est-elle en mesure de désigner en son sein une équipe, chargée d’une transition destinée à durer alors que le général Gaïd Salah est déjà conspué dans les manifestations ? La célèbre phrase du film de Visconti « Il faut que tout change pour que rien ne change » illustre le dilemme devant lequel se trouve l’Armée nationale populaire (ANP). Ses officiers supérieurs en sont-ils capables ?
L’Article 102 de la Constitution algérienne sur l’empêchement du Président, invoqué par le général Ahmed Gaïd Salah, est devenu dans la bouche des manifestants « l’article sans eux » ! 😀