Combien de temps la guerre commerciale américano-chinoise va-t-elle durer ? Un nouvel épisode de pourparlers est en cours, mais le jeu se joue à cartes masquées, rendant impossible l’évaluation d’éventuels progrès.
Depuis sa résidence en Floride, Donald Trump a qualifié les deux jours de négociations de ses émissaires à Pékin de « très productifs », mais les hauts fonctionnaires qui en sont revenus les ont décrites comme « très difficiles », tandis que la presse chinoise fait assaut d’optimisme. Comment s’y retrouver ?
La date butoir du 1er mars décidée en novembre dernier par les deux présidents s’approche, date à laquelle l’administration américaine a menacé de faire passer de 10 à 25% les droits de douane sur des produits chinois représentant 200 milliards de dollars d’importations annuelles si aucun accord n’est trouvé.
Donald Trump a évoqué vendredi dernier l’éventualité de son extension au-delà du 1er mars. Car si elles ne parviennent pas à s’entendre, les deux parties n’ont pas pour autant intérêt à une rupture. Les milieux d’affaire américains, dont la Chambre de commerce, ont déjà clairement déclaré qu’ils souhaitaient que le président américain lève le pied, et les dirigeants chinois ont tout intérêt à lui faciliter la tâche afin de reculer le moment de l’adoption de nouvelles sanctions douanières.
Dans le contexte dépressif mondial, il ne faudrait pas que la Chine, à son tour après l’Europe, connaisse un épisode récessif qui affecterait l’économie américaine. Le FMI n’a pas cessé de mettre en garde sur les effets mondiaux des guerres commerciales de la présidence américaine, et la transition chinoise, qui est semée d’embuches, en subit également les effets négatifs. Un débat à ce sujet traverse d’ailleurs l’administration Trump, dont seuls parviennent des échos assourdis. Selon le Wall Street Journal, une suppression de tout ou partie des tarifs douaniers imposés à la Chine serait à l’étude. Et Steve Mnuchin, le secrétaire d’État au Trésor, est à nouveau dans la boucle après en avoir été écarté.
Les négociateurs américains ont néanmoins rappelé leur liste de griefs et de demandes: l’arrêt du transfert imposé de technologies, le respect des droits de propriété intellectuelle, la fin du piratage informatique, la levée de barrières non tarifaires, la suppression des subventions massives aux entreprises d’État. Et ils ont fait état de la nécessité de résorber un déficit commercial très important résultant selon eux de manipulations de la monnaie chinoise. Or, l’adoption par les autorités chinoises d’un tel éventail de mesures n’est pas compatible avec le calendrier du président américain qui réclame des résultats immédiats.
Côté chinois, la croissance a encore ralenti et les principaux indicateurs ne sont pas rassurants pour la suite. L’administration est devant deux obligations contradictoires : maitriser un endettement en pleine expansion faisant obstacle à la réédition de son premier plan de relance monétaire, et endiguer la décélération de l’économie. Cet objectif est plus réaliste que d’obtenir une reprise significative, car elle impliquerait une relance des exportations, qui comptent pour un tiers du PIB. Afin de sortir de cette contradiction, les autorités se sont essayées à une baisse des impôts favorisant la consommation, sans résultats probants. La transition chinoise ne passe pas comme une lettre à la poste.
Toutes les conditions sont réunies pour que les négociations qui vont dans l’immédiat se poursuivent à Washington s’éternisent. L’annonce d’une nouvelle rencontre entre les deux présidents, déjà annoncée par Donald Trump afin de finaliser un accord est à ce stade un pur effet d’annonce.
L’ère de la mondialisation heureuse est terminée, mais l’interconnexion entre les grandes économies mondiales subsiste avec pour effet de propager les tendances récessives qui se généralisent. Une fois l’impact des mesures de Donald Trump résorbées, il n’y a aucune raison pour que les États-Unis en soient épargnés. Décidément, tout concoure à une nouvelle ère.