Grande première, la Cour des comptes européenne est en conflit public avec la BCE, réclamant des documents nécessaires à la réalisation de son audit que celle-ci se refuse à lui communiquer. Ceux-ci ne seraient pas couverts par son mandat. Comment dans ces conditions réaliser sa mission d’audit ?
Ce désaccord rendu public révèle les limites du contrôle sur le Mécanisme de surveillance unique (MSU) qu’abrite la BCE. Celle-ci est donc devenue responsable du suivi de 119 banques européennes représentant 80% des actifs des banques de l’Union, soit 21.000 milliards d’euros. Et les autorités européennes n’ont pas donné à la Cour des comptes la compétence dont elle avait besoin pour avoir accès à tous les documents qui lui sont nécessaires… Quel fâcheux oubli !
L’audit des activités de surveillance des banques du MSU, qui bénéficie ainsi abusivement de la protection de la BCE, serait pourtant intéressant à connaître si l’on considère les systèmes bancaires grec et italien. Les deux restent d’une grande fragilité, leurs bilans débordant de « prêts non performants » et nécessitant des soutiens publics, quand ils n’en ont pas déjà bénéficié. C’est notamment le cas de Monte dei Paschi di Siena (MPS) et de Carige en Italie, ainsi que de Piraeus et Eurobank Ergasias en Grèce, bien que toutes les banques des deux pays soient au même titre concernées.
Deux formules sont étudiées en Grèce, qui supposent un financement ou une garantie public, soit en vendant les titres toxiques avec une très forte décote, soit en les cédant à un véhicule spécial. En Italie, MPS qui a déjà été nationalisée à 68% dégage désormais un bénéfice opérationnel et se redresse peu à peu, mais la confiance n’est pas là et son titre a encore perdu 60% à la Bourse de Milan depuis le début de l’année. La banque est loin d’être stabilisée. Après avoir procédé à trois augmentations de capital qui ne se sont pas révélées suffisantes, Carige semble destinée à être à son tour nationalisée. Ce qui conduit le Mouvement des 5 étoiles et la Ligue à revenir sur leur refus d’injecter des capitaux publics ainsi que d’apporter des garanties aux banques. Le risque est grand, en effet, d’une contagion à tout le système bancaire italien si Carige ne résistait pas.
Selon l’union bancaire, les bail-in impliquant les actionnaires devaient succéder aux bail-out mobilisant des fonds publics. Mais par le jeu d’une recapitalisation par précaution – un schéma déjà utilisé pour MPS – la réglementation est contournée et les États se retrouvent aux premières loges. Quel rôle exact joue la BCE et le MSU dans tout cela ? la Cour des comptes européennes n’en dit rien, faute de le savoir exactement sans doute.