Qu’il est loin le temps de l’ingérence humanitaire, cette exigence née lors de la guerre du Biafra, puis de la création de Médecins sans frontières ! Nous étions au début des années 70 et les gouvernements étaient poussés à agir par « la société civile » face à la situation désastreuse qui prévalait au Biafra. Il s’en suivit l’émergence d’une pléiade d’ONG, les « french doctors », qui se firent sous ce nom une réputation mondiale.
Au fil des crises humanitaires, les gouvernements et les ONG pratiquèrent dans l’ensemble un bon voisinage, une sorte de division du travail sur tous les lieux où des désastres intervenaient, faits de guerres ou conséquences de cataclysmes naturels. Elles remplirent bien des services. Mais le vent a tourné. Avec la crise des réfugiés, cette belle histoire a pris fin, les ONG sont devenues des gêneurs. À la coopération succède le parcours d’obstacle qui est dressé. Même si elle n’est pas déclarée en raison de l’hypocrisie régnant sur le sujet, c’est une guerre sournoise qui est engagée.
Les coups tordus se multiplient. Des bateaux sont saisis et interdits de prendre la mer sous des prétextes fallacieux. Dans le cas emblématique de l’Aquarius, le navire est bloqué à quai faute de pavillon. Les ports où les réfugiés pouvaient être débarqués leurs sont fermés. Une zone de recherche et de secours libyenne est créée, qui permet aux garde-côtes libyens de ramener les réfugiés qui se sont enfuis. Le droit maritime international est bafoué. Tout est entrepris par les autorités européennes pour que les ONG abandonnent la partie.
C’est sans compter qu’une poignée d’entre elles parviennent malgré tout à poursuivre leur mission de sauvetage maritime. Les navires des ONG se secourent mutuellement, apportant du ravitaillement à ceux qui attendent au large la fin des marchandages sans fin leur permettant de débarquer les réfugiés à leur bord. Une petite équipe de pilotes effectue des vols de reconnaissance afin d’aider à localiser les embarcations des réfugiés. Modeste par ses moyens mais dans la pratique efficace, une organisation est mise en place pour suppléer à celle des gouvernements. On apprend même que, solidarité des gens de mer aidant, des garde-côtes italiens réalisent parfois de discrets sauvetages.
En mer Méditerranée, la fête est finie, le charme est rompu. La fermeture des frontières a son prix.