Était-ce trop loin pousser le bouchon que de se mettre à la fois à dos les milieux d’affaires et les militaires ? Coup sur coup, Donald Trump a fait campagne contre Jerome Powell et sa décision de monter le taux de la Fed et a décidé de rapatrier les troupes américaines de Syrie.
Les premiers n’ont pas apprécié cette intrusion dans la conduite du monde financier, qui doit selon eux être confiée à des gens issus de leurs rangs ; les seconds ont considéré qu’un tel retrait revenait à du travail bâclé. Dans les deux cas, le président américain agissait de manière irresponsable en touchant aux deux piliers restants de la puissance américaine, financier et militaire, au prétexte de restaurer le troisième, le leadership économique que les États-Unis sont en passe de perdre au profit de la Chine.
Samedi dernier, un « long et très bon coup de fil » de Donald Trump avec Xi Jinping est opportunément venu souligner que de « grands progrès » étaient intervenus dans les négociations commerciales entre les deux pays, éloignant le spectre d’un affrontement de longue durée mortifère. Il était urgent de stabiliser Wall Street où une grande volatilité reflétait l’incertitude sur la durée de la trêve.
Il y en a donc eu pour chacun. Lundi, le président américain est revenu sur le sujet du désengagement de Syrie en insistant qu’il serait lent, obtenant le satisfecit du sénateur Lindsey Graham qui s’est dit être rassuré après l’avoir rencontré : « le président comprend qu’on a besoin de finir le travail ». Les mises en garde contre un retrait précipité de hauts responsables militaires s’étant multipliées, il fallait calmer le jeu après la démission inopinée du ministre de la Défense Jim Mattis, suivi de son message ambigu appelant les troupes américaines à « tenir bon » . Mais contre qui ?
Après avoir donné des gages sur ces deux terrains et afin de ne pas prêter le flanc à des accusations de faiblesse, le président américain s’est refusé à envisager un compromis sur le sujet qui se trouve au cœur de la paralysie partielle des administrations fédérales pour cause de désaccord budgétaire. « Un mur tout en dur n’a jamais été abandonné » a-t-il tweeté, dès le lendemain du lancement d’un ballon d’essai de son secrétaire général, John Kelly, qui admettait la possibilité d’abandonner l’idée d’un mur « solide et concret » le long des 3.500 kilomètres de frontières entre le Mexique et les États-Unis. En répétant qu’il voulait « un mur solide », le président américain a coupé court, préférant poursuivre l’affrontement car il se situe sur un terrain primordial de sa stratégie électorale.