Les chutes et les rebonds qui se succèdent à Wall Street créent une ambiance électrique en cette fin d’année. Suscitant la réapparition dans les médias de la même question lancinante : l’année prochaine sera-t-elle l’occasion d’un nouvel accès de crise financière ?
Cette interrogation suscite une avalanche de réponses, le choix du détonateur qui en serait à l’origine s’avérant très vaste. Mais il n’en sort rien hormis l’oubli d’une tendance forte de l’année à venir : le coup de barre à droite qui se prépare dans toute l’Europe. Certes, il est bien pressenti qu’il va intervenir à l’occasion de l’élection du prochain Parlement européen, vu les déboires prévisibles que s’apprêtent à enregistrer des formations politiques usées et les succès que se préparent à remporter les nouvelles venues. Mais s’il ne s’agissait que de cela !
L’Allemagne enregistre une nette poussée à droite et son avenir politique est bien incertain. Non seulement en raison du maintien ou non d’Angela Merkel à sa tête d’ici la fin de son mandat – elle bloque provisoirement cette évolution – mais des années plus difficiles qui s’annoncent sur le plan économique et de la réponse qui y sera apportée. Avec la fin des grandes coalitions regroupant CDU, CSU et SPD disparait un facteur de stabilité. Au niveau des régions, dont les prérogatives ont été élargies en 2006, les élections vont se succéder en 2019 et devraient être l’occasion pour l’AfD d’extrême-droite, qui devance désormais le SPD dans les sondages, de montrer sa puissance électorale. En attendant les prochaines législatives, si elles ne sont pas anticipées.
Depuis 36 ans, l’Andalousie était gouvernée en Espagne par le PSOE et c’est fini. Avec le soutien de Vox, un petit parti d’extrême-droite, une coalition composée du Parti populaire et de Ciudadanos va prendre la présidence régionale. Bien que s’annonçant conflictuelle, cette alliance avec l’extrême-droite est une grande première depuis la fin du franquisme et pourrait faire école dans d’autres régions. Ou bien même au niveau national, le premier ministre Pedro Sánchez n’étant pas assuré de parvenir à faire voter son budget décidant alors d’élections anticipées. Les autonomistes catalans ont la solution et peuvent être tentés par la politique du pire.
Le sort de l’Italie reste en suspens, l’acceptation de son budget par les autorités de Bruxelles n’ayant permis que de gagner une année, d’ici au prochain examen budgétaire de l’automne 2019. Mais un scénario pourrait faciliter les choses d’ici là, qui repose également sur la tenue d’élections anticipées. Le vœu en ce sens est plus ou moins clairement exprimé par la Ligue depuis qu’elle a devancé le Mouvement des 5 étoiles dans les sondages électoraux. En cas de confirmation de ces résultats, les dirigeants de la Ligue seraient en effet à la manœuvre et pourraient procéder à un renversement d’alliance au profit de Forza Italia. Les dispendieuses réformes défendues par le Mouvement des 5 étoiles seraient alors abandonnées, soulageant d’autant l’équation budgétaire et permettant de trouver plus facilement un accord avec Bruxelles.
Alexis Tsipras a clamé haut et fort qu’il entendait bien aller jusqu’à la fin de la législature, en septembre 2019, sans convoquer des élections anticipées. L’espoir fait vivre. Son pari repose en premier lieu sur le maintien au sein de la coalition gouvernementale du parti souverainiste ANEL, en dépit des remous créés par l’accord qu’il a signé en juin dernier avec le gouvernement de Skopje, la Macédoine s’appelant dorénavant « République de Macédoine du Nord ». Mais les sondages accordent clairement la victoire au parti gouvernemental de la droite conservatrice Nouvelle Démocratie, avec 38% des suffrages, Syriza ne conservant que 26% d’entre eux. Un écart qui ne peut être raisonnablement comblé. Suivent loin derrière, tous trois placés aux environs de 8%, le Pasok-Dimar, le parti communiste et Aube dorée d’extrême-droite.
Que peuvent promettre les partis ? que peuvent espérer les grecs ? La crise perdure, aussi bien économique que sociale, le pays exsangue à force de plans de sauvetage européens dévastateurs, n’accordant que des marges de manœuvre extrêmement réduites. La seule espérance est que le pire est passé, mais cela ne fait pas vivre avec un tel niveau de chômage, qui n’est indemnisé que douze mois, et des revenus qui se sont effondrés. Avec des salaires de misère, à temps partiel et pour des durées déterminées, qui fabriquent une génération entière de travailleurs pauvres, et des familles qui peinent de plus en plus à jouer le rôle d’amortisseur social dont l’État n’a plus les moyens.
Que tente de dérisoire Alexis Tsipras pour rester au pouvoir face à la menace d’une coalition Nouvelle Démocratie-Pasok-Dimar ? Dans l’immédiat, il a intégré des personnalités de ces formations dans son gouvernement, avec peut être l’espoir de diviser ses adversaires, afin que Syriza continue à jouer un rôle central.
Tout ceci n’est qu’hypothèses dont la réalisation demande à être confirmée pays par pays. Mais l’absence de toute ouverture à gauche est criante. Les remises en cause du cadre d’enfermement restent marginales et les nouvelles pratiques sociales n’ont pas la force d’impulser l’alternative qui serait leur débouché naturel. À la fois local et national, le mouvement des gilets jaunes a monté d’un cran, mais ces mouvements sont à maturation longue, qui se manifestent un beau matin.