Les caravanes de réfugiés provenant d’Amérique centrale convergent vers Tijuana, la principale ville frontière mexicaine avec les États-Unis. De taille plus modeste que l’exode européen, elles préfigurent ceux qui s’annoncent du fait des bouleversements climatiques, dont la mesure est loin d’être prise par des autorités toujours à la remorque.
Des populations entières n’ont pas d’autre choix que de tout abandonner et de rechercher un refuge afin d’y reconstruire leur vie. Mais en guise d’accueil elles se heurtent à des portes fermées. Le droit d’asile auquel il leur est demandé de postuler n’est plus adapté, alors que des pays entiers sont ravagés à nos portes par des conflits armés, des crimes et des violences, l’insécurité généralisée et la misère. La hausse des températures et les désastres qui vont s’en suivre donneront dans l’avenir leur pleine dimension à ces repoussoirs absolus.
Pour le moins, rien n’est anticipé !
Le dispositif prévu par les accords de Dublin a été balayé, remplacé par la fermeture des frontières de la zone Schengen aux réfugiés et les contrôles provisoires bien installés en son sein. Ici où là, des fuites sont constatées malgré les bouclages, les deux derniers épisodes ayant été la fermeture des ports italiens aux navires des ONG et la création d’une zone de recherche et de sauvetage (SAR) sous contrôle de la marine libyenne.
Depuis le début de l’année, l’Espagne est devenue la principale porte d’entrée en Europe des réfugiés, devançant la Grèce et l’Italie. 50.000 réfugiés y sont arrivés dans près de 2.000 embarcations de fortune, les autorités espagnoles assurant leur sauvetage en mer et les débarquant en Espagne.
En Libye, la guerre civile se poursuit, interdisant de considérer ses ports comme étant « sûrs », permettant selon la réglementation maritime d’y débarquer après sauvetage en mer ceux qui s’en échappent pour fuir les très mauvais traitements. Une deuxième conférence internationale, organisée cette fois-ci par le gouvernement italien, n’a fait que confirmer l’impossibilité de tenir les élections à brève échéance préconisées par le gouvernement français. Faire de la Libye un élément décisif de sa politique, il n’y a pas plus honteux.
Trois ONG espagnole, allemande et italienne ont lancé une mission commune de sauvetage au large de la Libye où il n’y avait plus de navire intervenant depuis fin septembre. L’Open Arms, le Sea-Watch 3 et le Mare Jonio y naviguent désormais, mais la portée du geste dépassera-t-elle le symbole ? Resté à quai à Marseille, privé abusivement de son pavillon panaméen, l’Aquarius est sous le coup d’une procédure de saisie italienne en raison d’un trafic « de déchets potentiellement toxiques ». En l’occurrence des vêtements que portaient les dizaines de milliers de réfugiés lors de leur sauvetage, à qui des vêtements secs et propres étaient fournis en remplacement.
Au Mexique, 5.000 marcheurs de la principale caravane sont parvenus à Tijuana avec l’intention résolue d’entrer aux États-Unis. Face à eux, 9.000 militaires américains ont été déployés de l’autre côté de la frontière pour les en empêcher. À l’habitude, Donald Trump vitupère et menace de fermer entre les deux pays toute la frontière, si la situation devait dégénérer, n’étant jamais parvenu à obtenir du Congrès le financement du gigantesque mur qu’il veut faire construire.
Déjà, quelques dizaines de réfugiés sont parvenus à s’infiltrer dimanche dernier sur le sol américain après le passage en force de cinq cents d’entre eux, qui ont été en majorité refoulés. Mais une fermeture totale, y compris aux échanges commerciaux, est plus facile à dire qu’à mettre en vigueur. Avec un commerce bilatéral de 500 milliards de dollars par an, le Mexique envoie plus de 80% de ses exportations aux États-Unis, son principal partenaire commercial. Tout le long de la frontière, une industrie manufacturière s’est implantée dans des domaines aussi variés que l’aéronautique, la médecine et l’électronique. Pour ne pas parler de la production de voitures au Mexique.
Les autorités mexicaines tentent de fixer sur leur sol les réfugiés en leur proposant de passer des entretiens d’embauche dans un « salon pour l’emploi » installé à côté de leur campement de fortune de Tijuana. Avec pour mission donnée aux autorités migratoires et à la Commission d’assistance aux réfugiés de les aider à régulariser leur situation et à bénéficier de la sécurité sociale. Les enfants seront scolarisés. L’offre suscite toutefois de vives discussions parmi eux, de nombreux réfugiés n’ayant qu’une seule idée en tête, passer aux États-Unis sans attendre.
Le président élu Andrés Manuel López Obrador – le candidat de la gauche mexicaine – prendra ses fonctions le 1er décembre prochain, et des négociations présentées de son côté comme étant bien avancées ont été engagées avec l’administration américaine. Le dispositif retenu pérenniserait celui dont la mise en œuvre débute.
Que faire des réfugiés? Les aider à chasser dans leurs pays d’origine les dirigeants qui leur rendent la vie tout simplement impossible au point qu’ils doivent fuir faire d’autres mirages. Sans oligarchies sanguinaires, débarrassés de dictateurs et de compradores sans scrupules, ces pays redeviendraient vivables.