Les taux d’intérêt de la BCE sont au plus bas et ils le resteront « au moins jusqu’à l’été 2019 », a déclaré vendredi dernier Mario Draghi. Mais si les conditions financières ou de liquidité le nécessitent, ou si les perspectives d’inflation se détérioraient en zone euro, « cela devrait à son tour se traduire par un ajustement de la trajectoire prévue des futurs taux d’intérêt », en d’autres termes un report de leur hausse serait possible.
« Il n’y a certainement aucune raison pour que l’expansion de la zone euro cesse brusquement », a-t-il ajouté, personne n’ayant malheureusement eu l’opportunité de lui demander ce qu’il pense de la décélération progressive du PIB de la zone euro annoncé par la Commission qui, au choc près, aboutit à une proche conclusion.
Fixer ses taux est l’un des outils monétaires de la BCE. En annonçant qu’il se réserve de repousser si nécessaire ses plans de resserrement dans ce domaine, Mario Draghi vise à rassurer les investisseurs qui ont dû s’adapter entre temps à une étrange situation, lorsque la BCE a pénétré en territoire inconnu en adoptant un taux négatif pour les dépôts bancaires, afin qu’ils ne fassent pas les frais d’une normalisation en étant pris par surprise.
Entretemps, contrairement aux pronostics, les fonds monétaires en euro n’ont pas périclité, bien que leur rémunération atteignait son plus bas historique. Au contraire, leur volume a prospéré. Ces trois dernières années, les actifs placés auprès d’eux ont augmenté en moyenne de 9,6 % par an, pour atteindre 417 milliards d’euros fin 2017.
Les investisseurs institutionnels n’y sont pas étrangers. Soumis à des contraintes réglementaires, ils doivent placer à très court terme et dans des conditions de grande liquidité leur trésorerie. Dans la pratique, ils n’ont pas eu d’autre choix que de la placer sur des fonds dont l’offre est relativement moins pénalisante que les autres. Car les banques ne se précipitent pas pour l’accueillir, dans la mesure où elles subissent un taux négatif de 0,40% sur leurs dépôts excédentaires à la BCE.
Les commentateurs suivent au jour le jour les marchés obligataires et boursiers, faute de pouvoir en faire autant de celui des produits dérivés. Mais les marchés à très court terme, très fréquentés, sont le siège de phénomènes aussi méconnus. Ce qui explique que la prudence soit requise lorsque l’on y intervient, et que la Banque des règlements internationaux (BRI) ait lancé une étude de deux ans déjà bien engagée pour mieux comprendre ce marché des repos.
Celui-ci est le canal privilégié de la circulation du collatéral nécessaire à la conclusion des transactions et des appels de marge pour les produits dérivés. Or il fonctionne de gré à gré, et est à ce titre particulièrement opaque. En attendant d’en savoir plus, les analystes continuent de se gratter la tête. Et, du point de vue des régulateurs, il n’est pas pensable que ce secteur vital du système financier, qui en assure au jour le jour l’équilibre et où se manient des sommes colossales, soit laissé à nouveau à lui-même tant qu’il ne donne pas tous les signes manifestes de son rétablissement. L’occasion est parfaite pour mieux le comprendre, va-t-elle être saisie ?