L’heure de la présentation à Bruxelles des budgets 2019 a sonné. Le sort qui va être réservé au budget italien est au centre des attentions. Les commentaires mettent l’accent sur le fait que la Commission pourrait se défausser et préférer laisser agir le marché.
Pas si simple ! Selon ce scénario, l’augmentation du spread entre les taux obligataires allemand et italien aboutirait à un surenchérissement insupportable du coût de la dette, ne laissant pas d’autre choix au gouvernement italien que de réduire la voilure. Mais ce jeu pourrait se révéler dangereux et enclencher une nouvelle crise à l’échelle européenne. L’histoire n’est donc pas écrite.
Elle l’est d’autant moins que la mesure de la crise politique allemande a enfin été prise. S’en est fait de la stabilité politique allemande. Les élections en Bavière ont confirmé les sondages annonçant la dégringolade du SPD. Dans la presse allemande, il n’est question que de la fin prochaine de la Grande coalition, qui a vécu, créant de fortes incertitudes pour la suite.
Saisissant paysage, 54% des membres du SPD ont plus de 60 ans, à comparer avec les 24% des Verts. Sur le moyen terme, l’avenir a tranché, le premier a irrémédiablement perdu sa position privilégiée. À court terme, les pressions au sein du SPD en faveur d’une cure d’opposition et de jouvence se renforcent.
Mettre sur pied une coalition Jamaïque incluant les Verts et le FDP, tel que cela a été tenté par Angela Merkel avant qu’elle ne parvienne à convaincre le SPD de faire alliance, ne sera pas de tout repos. L’hypothèse d’un gouvernement CDU/CSU minoritaire qui a été évoquée vise à exclure les Verts du dispositif au niveau national. Car ce qui est en jeu, au-delà des combinaisons d’appareil, c’est la poursuite de la politique européenne. Tout sera fait pour l’imposer.
Dans ce contexte, la présentation des budgets portugais et espagnol passe presque inaperçue. Si elle ne continuait pas à faire l’impasse sur les investissements, la copie du gouvernement d’Antonio Costa pourrait d’ailleurs faire de lui le bon élève de la classe. Le cap est mis sur l’équilibre budgétaire et prévoit une amélioration limitée du pouvoir d’achat touchant les fonctionnaires et les retraités en priorité. Le premier ministre socialiste vise désormais à obtenir la majorité parlementaire lors des prochaines élections de 2019 afin de ne plus avoir besoin du soutien du parti communiste et du Bloc de gauche. Quoi qu’il en soit, les marges de manœuvres resteront très étroites dans le contexte d’une sortie sous contrôle du plan de sauvetage.
En Espagne, Pedro Sanchez pratique une gestion très délicate, voire paralysante, de sa majorité parlementaire. Minoritaire aux Cortes, il est tributaire du vote des partis catalans et des nationalistes de droite basques. Pour en sortir, un rapprochement avec Podemos est engagé avec l’adoption d’un document budgétaire commun anti-austérité de 50 pages intitulé « propositions pour un État social ». Il pourrait aboutir à ce gouvernement de coalition que le PSOE avait précédemment refusé, mais ce n’est pas joué.
Les mesures énumérées dans ce document enrayeraient dix ans d’austérité en augmentant le salaire minimum et les petites retraites, qui seraient indexées sur l’inflation, et en augmentant les budgets pour l’aide aux personnes âgées, le logement et la recherche. Une loi serait adoptée contre les violences faites aux femmes, une autre reviendrait sur la réforme du marché du travail de Mariano Rajoy de 2012.
Mais, dans l’immédiat, l’équation budgétaire reste toujours aussi difficile à résoudre, comme en témoigne le projet de budget. Il a en effet fallu diminuer les perspectives de croissance, une fois terminée une période initiale de rattrapage, et la trajectoire du possible s’en ressent.
Comme au Portugal, le rythme prévisionnel de réduction de l’endettement est lent, un phénomène général à toute l’Europe. Il ne peut être revenu sur la dégradation de la situation des travailleurs qu’a minima, et les laissés pour compte le restent tandis que les inégalités s’accroissent.
Décidé à élargir le cadre imposé sans le briser, le gouvernement italien a fini par boucler son « budget du peuple » qui compte 37 milliards d’euros de dépenses supplémentaires et de baisses d’impôts, creusant le déficit de 22 milliards d’euros. Si l’on exclu une infamante diminution des crédits consacrés à l’accueil des réfugiés et une amnistie fiscale que le Mouvement des 5 étoiles a cherché à réduire, la réforme des retraites, un revenu des citoyens aux modalités encore floues, une réforme fiscale au bénéfice des petits artisans et auto-entrepreneurs, l’annulation de la hausse de la TVA vont contribuer à améliorer la vie des italiens. Mais on comprend que les autorités de Bruxelles n’y retrouvent pas leurs petits. Et le malheur de l’attelage de la Ligue et du Mouvement des 5 étoiles veut que ce dernier avalise la politique xénophobe de la première, leur donnant un prétexte en or pour tout rejeter.
L’Allemagne, un scénario allant vers une situation politique à la façon de l’Autriche acruelle : un parti des verts (plutôt progressiste) face à une droite (de plus en plus extrême) ? Avec une nuance qui est que l’Allemagne est bénéficiaire net du système européen tel qu’il est, et que rompre avec celui-ci compromettrait en profondeur l’équilibre de cette belle construction patiemment et laborieusement mise en place….
La situation espagnole actualisée :
https://www.telos-eu.com/fr/pedro-sanchez-et-le-defi-du-gouvernement.html