Sous l’effet du poids grandissant de l’AfD d’extrême-droite, la crise politique européenne progresse à grande vitesse en Allemagne. Si des élections nationales devaient intervenir, il serait hors de question de remettre sur pied la Grande coalition CDU/CSU-SPD dont la constitution a demandé la fois dernière six mois d’efforts à Angela Merkel, car les trois partis ne disposeraient pas d’une majorité parlementaire.
Les faits sont là, la télévision publique ARD crédite nationalement la CDU/CSU de 26% des suffrages, en chute prononcée par rapport à leur dernier score de 33%. Avec 15%, le SPD s’effondre et devient le quatrième parti, derrière les 16% de l’AfD et les 17% des Verts.
Aux élections régionales, la recomposition politique en Allemagne se confirme selon les premières estimations disponibles. En Bavière, la CSU connait ce soir une véritable déroute et perd 12% des voix ainsi que sa majorité absolue. Elle va devoir chercher un allié, peut-être le FDP, alors que les Verts sont les grands vainqueurs, en passe de devenir le 2ème parti avec 18-19% des voix. Le SPD est le grand perdant avec 9-10% des voix. En Hesse, la semaine prochaine, c’est la CDU qui gouverne le Land avec les Verts qui pourrait faire les frais de cette recomposition.
Pour parachever le tout, Angela Merkel doit affronter en décembre le vote des militants afin d’être reconduite à la tête de la CDU. Or elle accumule les déboires, le dernier en date à propos de la crise du diesel, qui a pris en Allemagne une très grande ampleur, son arbitrage sur la répartition du coût de la mise à niveau du parc des véhicules concernés mis en cause aussi bien par les industriels que par les organisations de consommateurs. La durée de vie de la Grande coalition au pouvoir est désormais ouvertement soulevée. La politique du compromis permanent de la chancelière a ses jours comptés.
La Süddeutsche Zeitung annonce « des temps difficiles » et Wolfgang Schäuble, l’homme fort de la CDU devenu le président du Bundestag, a choisi ce moment pour intervenir. Les élections régionales « affecteront la politique nationale et en conséquence la réputation de la chancelière » prédit-il. Évoquant la fin de la Grande coalition, il a déjà prévenu que « si le SPD n’en veut plus un jour, le monde ne va pas s’écrouler pour autant », faisant référence à la constitution d’un gouvernement minoritaire. Des propos fort peu orthodoxes qui promettent de longues tractations lorsqu’il faudra trouver une solution de gouvernement.
Ce ne sont pas seulement treize années de pouvoir d’Angela Merkel qui vont trouver leur épilogue, c’est toute une période qui s’achève. Non seulement la politique européenne que les dirigeants allemands ont imposé ne débouche pas sur les résultats promis, mais l’Europe se démantèle progressivement et l’économie mondiale connait de profonds changements, entrée dans une période de grande incertitude. Une fois de plus, le FMI vient le rappeler sans effet. Non sans rapport, la crise générale de gouvernance se répand et s’amplifie.
L’Allemagne n’a pas de plan B, rivée à un modèle économique qui a donné tous ses fruits, et elle entraîne l’Europe. L’échec n’est pas à faire porter aux seuls dirigeants allemands et à leurs dogmes de l’ordo-libéralisme, c’est le capitalisme financier en crise qui est également en cause. La situation en Italie est la parfaite illustration de son impasse : la Commission ne peut imposer au gouvernement italien de respecter son autorité qu’à condition de prendre le risque de relancer la crise à l’échelle européenne, à nouveau via le système bancaire. Quant à laisser faire le marché, quitte à le pousser un peu, c’est jouer avec le feu…