Le commissaire européen Pierre Moscovici est connu pour avoir un sens développé de l’opportunité qu’il a illustré lors d’un forum de l’OCDE. « Les tensions politiques que connaît l’Europe sont à mon avis le résultat direct de la manière dont l’Union européenne et les États membres ont géré la crise économique », a-t-il expliqué. Puis il a reconnu deux erreurs qu’il a qualifié de « fondamentales »: avoir « privilégié l’efficacité de la décision économique à la représentativité de la décision démocratique » et « ne pas avoir su protéger les citoyens les plus vulnérables ».
S’il aborde des thèmes qui vont parcourir la campagne des élections européennes, il ne met nullement en cause le bien-fondé de la politique de restriction budgétaire et de réformes néo-libérales. Dans un cas, il aurait à l’écouter fallu mettre les formes pour l’appliquer, dans l’autre avoir prévu un pansement d’aides sociales. Pierre Moscovici se repositionne politiquement en se donnant le luxe d’un mea culpa pour avoir « lui-même activement contribué au renforcement de la gouvernance économique européenne ».
Il lui reste néanmoins à gérer le dossier du budget italien de 2019, pour lequel il est fâcheusement placé en première ligne. L’élection du gouvernement italien actuel était en effet le pire qui pouvait arriver, allant réclamer tout l’art de la Commission pour éviter l’irréparable en pleine campagne électorale des européennes. Sans avoir à consentir des assouplissements qui feraient école, pour lesquels l’Espagne et le Portugal seraient des candidats naturels.
Si l’on ne tient pas compte des outrances verbales, le gouvernement italien a toutefois fait acte de bonne volonté. Il est revenu sur le taux prévisionnel de 2,4% de déficit du PIB pour les trois prochaines années et prévoit désormais 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021. Mais il est attendu au tournant sur le taux de croissance de l’économie, qui donne sa cohérence à l’ensemble. Le ministre des finances Giovanni Tria annonce pouvoir atteindre 1,6% en 2019, alors que la Commission prévoit 1,1% et le FMI 1%. Pour convaincre, il fait état de clauses de sauvegarde permettant de respecter le taux de 2,4% en 2019, si la croissance devait être inférieure à l’objectif, et fait valoir que ces objectifs aboutiront à une réduction de l’endettement italien. Faut-il qu’ils soient jugés crédibles.
Il ne va pas être facile de s’installer dans une longue négociation qui en tout état de cause devrait déboucher en avril prochain, avant les élections européennes, afin de respecter la procédure. Les marges de manœuvre n’ont en effet jamais été aussi étroites, dans un contexte où il n’est pas réaliste d’attendre une quelconque ouverture d’un gouvernement allemand traversé à tout propos par des dissensions et sous la pression des plus opposés à celle-ci. Mario Centeno, le président portugais de l’Eurogroupe dont le tour va ensuite arriver, s’est pour l’instant contenté de remarquer « Il faut laisser les négociations suivre leur cours et donner nos réponses à la fin du processus ».
Plus que jamais, le marché pourrait être le sauveur, à condition de ne pas tout faire déraper lui aussi. Mais l’impact d’une hausse du spread entre les taux allemand et italien sera minoré, la maturité de la dette italienne ayant été repoussée à la faveur des bas taux de la dernière période, éloignant le moment de son refinancement. En effet, sa maturité moyenne est actuellement de 6,8 ans selon UniCredit. Le coût d’intérêt annuel moyen de son encours est de 2,8%, rendant une hausse des coûts moins problématique, fait de son côté remarquer le Financial Times.
Et la BCE dans tout cela ? Elle ne dit rien…
N’avait-il pas été question assez sérieusement de l’introduction d’une « monnaie parallèle » (fiscale)…?
En effet, Moscovici ( très – trop ) opportuniste. Il y a quelque mois, je l’avais entendu parler sur une radio française, et dire en substance le plus naturellement possible, qu’en gros l’UE établissait les politiques, et les gouvernements étaient « libres » de choisir comment la mettre en oeuvre. Ici était résumée la dictature néolibérale (avec un dédain « assumé » de tout principe démocratique – en gros, ça ne sert à rien de voter, sauf à choisir le manager en chef qui mettre en oeuvre la politique prédéfinie – ça ne vous rappelle rien ?….). Personnellement je serais sincèrement heureux que ce genre d’individu dégage au plus vite…..!
« en gros l’UE établit les politiques, et les gouvernements sont «libres» de choisir comment les mettre en oeuvre »
Sur le modèle qui est en fonction dans chaque pays de l’UE où le gouvernement décide de beaucoup de choses (tout particulièrement du budget) et les régions mettent ces décisions en oeuvre?
Sachant qu’un gouvernement qui n’est pas libre de décider du budget perd une grande part de son pouvoir, ça me semble expliquer pourquoi il devient de plus en plus difficile de former et de faire fonctionner un gouvernement dans beaucoup de pays de l’UE.
Pour ces gouvernements une solution est de se faire élire en choisissant un programme UE-compatible mais il semble qu’il soit ensuite très difficile de se faire réélire…
Bonjour Emmanuel,
Ce que vous dites ne veut pas dire que vous êtes contre l’Europe,
C’est important que quelqu’un d’autre complète votre message, vous êtes pour l’Europe,
Cordialement,
Personne
Bien vu ! (si je puis me permettre 😉 )
Nous baignons tous dans un monde où la parole performative, celle qui veut que les mots réalisent par magie l’énoncé, est utilisée massivement.
Or il ne faut pas confondre « Europe » et « Union européenne ». L’une est un rêve de solidarité et de progrès humains, alors que l’autre a une nette tendance à se transformer en cauchemar néolibéral où les richesses sont pillées et concentrées au profit d’une infime minorité.
La question de fond, au-delà des storytelling nauséabonds à la Orbán, la Salvini ou la Macron, est donc de savoir si l’UE est réformable, ou si les cliquets des traités ne laissent le choix qu’entre l’implosion et la fuite en avant mortifère…
Sur la monnaie parallèle on pourra se reporter à:
http://www.lacrisedesannees2010.com/2018/07/l-italie-et-la-redecouverte-de-la-monnaie-comme-instrument-de-souverainete.html
Rappel fort complet et bien lisible par quelqu’un(moi) dont ce n’est pas la spécialité..Merci.
Me suis intéressé de près (= d’aussi près que je le pouvais à l’époque..) à la chose après avoir suivi en direct le gigantesque monceau de tweets frénétiquement postés par les « négociateurs » de l’€uro-groupe dans le sillage du « plan B » d’un certain Yanis V.
Selon votre analyse, pourrait-on envisager la séquence suivante:
++le gvmt (italien d’abord..) crée et distribue des CC= cartes à puce(style carte bancaire) dédiées, une par ménage concerné par l’ « attribution » du paquet de 10(?) milliards d’€ de « revenu universel ».
++ces cartes peuvent être lues et « alimentées » dans tout lecteur de cartes de débit/crédit , voire(en cas de sabotage probable par le « système ») dans des lecteurs XX à créer qui seraient disposés uniquement dans les administrations locales responsables de leur utilisation en sécurité.
++les services administratifs étatiques concernés calculent et créditent( = ligne informatique purement comptable) mensuellement chaque carte CC à due concurrence familiale.
++ces CC peuvent être acceptées partout , à charge pour le « commerçant volontaire » de s’être enregistré dans la base du nouveau système.
++les mêmes services administratifs mettent en place une base sécurisée de compensation…chaque débit de CC entraine un crédit d’impôt(futur) équivalent dans le plateau de la balance imposable du commerçant..
++On(l’administration) peut même (aisément) faire « fondre » le crédit de la CC NON-utilisé après un certain temps…
Absurde??
Non ce n’est pas absurde. Simplement il faut comprendre qu’on entre dans un cercle vicieux: le crédit d’impôt signifie autant de recettes fiscale en moins, d’où un déficit plus important que l’on devra compenser par abondements supplémentaires sur les cartes….Avec cet autre effet qu’au regard de Bruxelles on se retrouve de plus en plus hors des clous sur le plan budgétaire. On peut commencer comme cela, mais il est clair que tout est remis en cause. C’est la raison pour laquelle on ne peut que sortir du jeu imposé, une sortie qui doit passer par la réquisition de la Banque centrale…Mais qui va- y compris chez ceux qu’on appelle stupidement les populistes- oser franchir un tel rubicon? ce n’est pas le personnel politico-administratif qui va volontairement dérailler mais la crise qui va se charger à un moment ou à un autre de liquider le système financier.
@Werrebrouck (5/10 à 15h47) écrit :
… » un cercle vicieux: le crédit d’impôt signifie autant de recettes fiscale en moins… »
J’oublie de citer le point compensatoire de politique fiscale et économique sur le plan strictement intérieur….j’imagine qu’en Italie, aussi..!., il existe tout un tas de niches fiscales « inutiles » (car « de privilège »)…donc, introduction simultanée d’une correction budgétaire(redondante donc..) par l’élimination d’autant de niches que nécessaire..
((Hors de question de présenter un budget « corrigé » (compensé) orthodoxe..je présente un parfait budget bancal..à prendre ou à laisser.. ))
Bonjour Roberto,
J’ai l’impression de comprendre ce que vous dites,
or votre critique correspond à l’Europe Unie, au lieu de l’Union Européenne ce qui n’est pas la même chose.
Monsieur Moscovici pense par exemple que l’Europe est Unie, d’ou l’Europe Unie, ce qui ne sera jamais le cas, nous le voyons aujourd’hui avec le Brexit par exemple,
c’est pourquoi l’Union Européenne est plus constructif, nous avançons dans une direction basée sur la coopération par exemple, basée sur l’idée que la différence entre les peuples est une richesse, nous ne partons pas d’un fait (c’est pas vrai l’Europe n’est pas Unie) qui est une illusion ou nous restons sur place ou nous reculons car nous n’avançons pas.
L’Union Européenne ne cesse et ne cessera jamais de se construire,
Alors que l’Europe Unie, ben c’est bon, c’est fait, on fini le plat avant de sortir de table, bref, ça ne peut que se déconstruire,
Cordialement,
Personne
Cynisme: la politique ‘européenne’, ancienne et nouvelle mouture. Probablement une forme dévoyée du courage.