Quelle est l’espérance de vie de la grande coalition allemande ? Un nouvel épisode de la guerre menée contre la politique migratoire d’Angela Merkel par son ministre de l’intérieur, membre de la CSU bavaroise, fait douter de sa longueur. Quoi qu’il en soit, l’ère de la stabilité politique allemande est révolue sous la pression de la progression de l’extrême-droite.
La chancelière a pris son temps et laissé la controverse s’installer avant de finalement démettre de ses fonctions Hans-Georg Maassen, le chef du service du renseignement intérieur – l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) – qui bénéficiait du soutien appuyé de Horst Seehofer, le ministre de l’intérieur. Ce dernier n’a pas hésité à saluer ses « compétences », alors qu’il a manifesté sa collusion avec l’AfD d’extrême-droite à propos des évènements de Chemnitz. Mais, pour sauver sa coalition, Angela Merkel a dû accepter en contrepartie sa promotion comme secrétaire d’État, avec parmi ses prérogatives la supervision de la sécurité intérieure…
Andrea Nahles, la dirigeante du SPD, avait exigé son départ mais elle a dû avaler la couleuvre et apparait comme la grande perdante de cette nouvelle crise gouvernementale. Le SPD n’a pas de stratégie de rechange à sa participation à la coalition, qui avait été vigoureusement combattue dans ses rangs avant d’être acceptée par un vote des militants. L’opposition d’alors a trouvé l’occasion de se réactiver, Kevin Kühnert, le président des Jusos (les jeunes socialistes) a fait état que son « seuil de tolérance personnel est atteint ». Mais elle n’a pas eu de prise sur les évènements.
Angela Merkel espère que le résultat des élections bavaroises d’octobre – où le CSU risque de perdre sa majorité en raison des progrès de l’AfD – permettra de calmer le jeu, ayant l’espoir que Horst Seehofer quitte le gouvernement. Car elle n’aurait d’autre alternative, si la position du SPD devenait à force intenable et le conduisait à rompre, que de tenter de constituer une nouvelle coalition avec les libéraux du FDP et les Verts, qui ne serait pas de tout repos.
Faute d’un tel sursaut, peu probable dans l’immédiat, le SPD va être condamné à poursuivre sa lente descente aux enfers et la grande coalition à s’étioler. Cela ne va pas faire l’affaire d’Emmanuel Macron. Non qu’il puisse espérer demain faire accepter son plan de relance qui est aujourd’hui enlisé, les autorités allemandes n’en voulant pas. Mais pour négocier avec celles-ci les compromis nécessaires à l’établissement du futur budget européen pluriannuel, dont l’adoption conditionne toutes les politiques. Les dépenses sont en augmentation et l’arrêt de la contribution britannique va réduire les recettes budgétaires, réclamant de sévères arbitrages et ne laissant pas de place au financement d’un grand dessein.