En annonçant une taxation punitive supplémentaire de 10% sur 200 milliards de produits chinois exportés aux États-Unis, Donald Trump, rompt avec des négociations qui semblaient repartir et relance la guerre commerciale avec la Chine. Au premier janvier, les taxes passeront à 25%. Avec les 50 milliards de produits déjà taxés, le montant global de ces mesures dépassent de loin les 130 milliards de dollars de biens chinois importés aux États-Unis.
Cela soulève deux questions : comment les dirigeants chinois, adeptes du « dent pour dent », vont-ils répliquer ? Quel message Donald Trump a-t-il voulu faire passer en adoptant un taux initial limité à 10% dans une première période ? Par ce délai, il cherche à rassurer l’opposition interne à la poursuite de sa guerre commerciale, à passer le cap des élections et à donner du temps aux entreprises pour qu’elles modifient leur approvisionnement. Car selon le Peterson Institute for International Economics, 95% des produits visés par les hausses de tarifs américains sont des produits intermédiaires et des biens d’équipement, affectant l’industrie américaine, ne laissant à celle-ci que le choix de répercuter cette hausse de ses coûts dans le prix de ses produits ou de diminuer sa marge. Mais, en même temps, Donald Trump veut signifier sa détermination sans faille, ayant été trop loin pour maintenant renoncer.
Les dirigeants chinois ne sont pas démunis, pouvant s’ils veulent monter d’un cran taxer les voitures de General Motors, qui vend davantage de voitures en Chine qu’aux États-Unis, ou les avions de Boeing, qui y vend un quart de sa production. Ils peuvent aussi s’engager dans un boycott des produits américains, car si aucune campagne n’est lancée dans la presse chinoise, les réseaux sociaux s’enflamment en ce sens. Dans tous les cas, le conflit prendra une mauvaise tournure.
Une dépréciation significative du yuan ou des ventes massives de titres de la dette américaine sont par contre peu probables, car elles iraient à l’encontre des intérêts chinois, favorisant une fuite des capitaux ou la diminution de la valeur de la dette en leur possession. On peut par contre s’attendre à l’accroissement des obstacles en tous genres mis au développement des activités des entreprises occidentales, dont la levée est au contraire le principal objectif poursuivi par le président américain.
De fait, des secteurs d’activité entiers sont monopolisés par les groupes étatiques nationaux, des marchés sont quasi-inaccessibles pour les étrangers, qui sont hors-jeu dans des appels d’offre publics non transparents et arbitraires. Mais, en ce qui concerne les transferts forcés de technologie, le mal est très largement fait, la Chine est à niveau comme en témoigne sa production dans les secteurs de haute technologie.
En voulant obtenir l’ouverture en grand du marché chinois aux entreprises américaines, Donald Trump met en cause le modèle de transition qui y est en cours et se donne peu de chances de réussir. Car le Parti-État ne conçoit la substitution du développement du marché intérieur à celui des exportations qu’opérée à son rythme et sous sa direction. En conséquence, il dose parcimonieusement cette ouverture, poursuivi par la hantise d’un débordement.
Déterminé à faire plier les dirigeants chinois, le président américain a annoncé son intention de cibler la totalité des 500 milliards de dollars de marchandises que les États-Unis importent de Chine si celle-ci devait décider de mesures de représailles. En attendant, il a accusé Pékin de tenter d’influencer les élections américaines à moins de 50 jours de celles-ci par ses sanctions commerciales « en attaquant nos agriculteurs, nos éleveurs et nos ouvriers de l’industrie parce qu’ils sont loyaux à mon égard ».
Côté chinois, la difficulté est qu’il ne peut être question de rééditer une relance de l’économie en s’appuyant sur une nouvelle injection massive de capitaux par la Banque centrale pour pallier à la chute des exportations. Le pays est déjà aux prises avec un surendettement massif que les dirigeants cherchent à contenir. La trajectoire de la croissance est descendante, et les investissements démesurés dans les infrastructures de la période précédente ne peuvent pas être renouvelés.
Les marges de manœuvre chinoises se réduisent. Afin de les accroître, le président Xi Jinping s’est symboliquement rendu au Forum économique de Vladivostok afin de renforcer le partenariat stratégique avec la Russie et d’avoir accès au marché énergétique sibérien. Mettre les dirigeants chinois le dos au mur, est-ce bien raisonnable ?