Lorsque l’Open Arms, l’un des rares navires des ONG continuant à opérer, a débarqué dans le port de Barcelone 60 réfugiés recueillis au large de la Libye, Ada Colau, sa mairesse, a immédiatement twitté : « Ils sont enfin arrivés dans le port de Barcelone en chantant et en dansant. Ils auraient pu mourir, mais ils sont en vie. Voilà la Méditerranée et l’Europe que nous voulons, où la vie est célébrée et protégée ». Elle détonne et c’est tout à son honneur.
L’Espagne est devenue la voie privilégiée d’accès à l’Europe pour les réfugiés qui sont recueillis par les garde-côtes espagnols avant d’être débarqués dans le sud du pays. Depuis le début de l’année, plus de 20.992 migrants sont arrivés en Espagne (et 304 sont morts en tentant la traversée), selon le compte effectué le 25 juillet dernier par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). À cette même date, l’Italie comptait 18.130 arrivées et plus de onze cent morts, tandis que la Grèce comptabilisait 15.528 arrivées et 89 morts.
À la différence des autorités des autres pays riverains, dont la France, les responsables espagnols accueillent les réfugiés et viennent de débloquer des fonds pour construire un premier centre pour les héberger provisoirement près d’Algésiras, en Andalousie. Les médias espagnols diffusaient la semaine dernière les images de groupes de migrants africains débarquant sur des plages sous le regard ébahi des estivants avant d’être pris en charge par la Croix Rouge.
Les autorités se refusent à qualifier d’invasion ces arrivées, faisant au contraire état que l’Espagne avait besoin « de sang neuf » étant donné le vieillissement de sa population. Magdalena Valerio, la ministre du Travail, a prévenu que l’immigration était un « phénomène inarrêtable », ajoutant que « la politique migratoire doit être partagée, tous les pays européens doivent s’impliquer ».
Rien de nouveau n’est intervenu à cette échelle. Aucun pays européen ne s’est porté candidat pour accueillir sur son territoire un centre de détention des réfugiés, pour l’appeler par son nom. Et la localisation de « plateformes de débarquement » est incertaine, vu le sort réservé à un navire commercial bloqué en mer au large de la Tunisie, pays souvent citée comme pouvant en abriter une. Les autorités du pays ont mis quinze jours pour autoriser le Sarost 5 battant pavillon tunisien à débarquer 40 réfugiés qui ont en attendant, vécu dans des conditions difficiles sur son pont (*). Ils avaient été recueillis après cinq jours de mer à bord d’une embarcation pneumatique, et les garde-côtes italiens, maltais et français s’étaient refusés à les secourir au prétexte qu’ils étaient plus proches des côtes tunisiennes que des leurs.
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(*) Sur la foi d’informations erronées, j’avais annoncé leur débarquement trop prématurément.
Trop tard…
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/un-navire-italien-reconduit-des-migrants-en-libye_2028687.html
Depuis longtemps Ada Colau milite en faveur des plus déshérités.
Saluons son œuvre et son courage.
Carte de l’asile en 2017.
https://asile.ch/2018/07/25/carte-la-loterie-de-lasile-2017/
» Magdalena Valerio, la ministre du Travail, a prévenu que l’immigration était un « phénomène inarrêtable » »
Factuellement, cette affirmation est fausse. Orban en Hongrie, Salvini en Italie, ou encore des pays comme Japon et Chine le prouvent.
Il est parfaitement possible d’argumenter en disant qu’arrêter toute forme d’immigration n’est pas souhaitable. Mais il est tout simplement inexact de dire que ce serait impossible.
J’ajouterais que cette inexactitude est à l’évidence génératrice d’angoisse. A manier les affirmations à l’emporte-pièce du genre « il est impossible de s’y opposer », on ne fait qu’inquiéter et repousser des gens qui auront tôt fait de s’intéresser à tout politicien qui répondra « nous, on peut ».
Il me semble assez clair que tout être humain a besoin de s’identifier à une « communauté de référence », que nul ne saurait être un « humain en général ». Des siècles d’histoire européenne ont montré qu’il était nettement préférable que cette communauté de référence soit la nation, plutôt que la religion ou l’idéologie, sans parler encore de la race. La raison en est assez simple : la nation n’est pas fondée sur un fait de nature, comme la couleur de peau, elle n’atteint pas non plus à l’intime comme la croyance religieuse ou philosophique, son fondement (loyauté, langue et lois) est du domaine public plutôt que privé.
Qui veut rendre non seulement acceptable, mais bienvenue une nouvelle vague d’immigration doit avant tout être capable d’expliquer pourquoi ces étrangers ne le resteront pas longtemps, et comment ils ne tarderont pas à être des Français (respectivement Italiens, Allemands, etc.) comme tout le monde.
L’explication doit être claire et convaincante.
Faute de cette explication, on ne fait qu’inquiéter et déclencher plus rapidement et plus sûrement le réflexe d’autoprotection dont chaque personne est capable – cela fait partie de notre nature – simplement transposé à l’échelle de sa « communauté de référence ».
Si cette explication est fournie, et si elle est suffisamment fondée, et perçue comme telle, alors l’immigrant sera bienvenu, car il n’est jamais que mon frère de demain, quand le Français est mon frère d’aujourd’hui.