L’effet de surprise dissipé, les avis sur l’accord négocié à Washington par Jean-Claude Juncker sont mitigés. Le cessez-le-feu que les premiers commentaires annonçaient a progressivement cédé la place à l’idée d’une simple trêve.
Comment expliquer que cet accord soit si rapidement intervenu ? La clé réside dans le fait que les deux parties avaient besoin d’un succès. Donald Trump était sous le feu de critiques montantes des milieux d’affaires en raison des conséquences pour l’économie américaine de sa croisade, et Jean-Claude Juncker s’était donné pour mission de porter un coup d’arrêt à l’escalade qui allait durement toucher l’économie outre-Rhin et avait fait sienne la stratégie de négociation préconisée par le gouvernement allemand.
Le président de la Commission avait bien préparé son coup avec l’annonce d’achats européens de soja et de gaz liquide américain, afin de donner des biscuits au président américain. Ça c’est vite confirmé, dès le lendemain, lorsqu’il a annoncé aux producteurs de soja qu’il leur avait ouvert la porte du marché européen ! Il lui reste, pour satisfaire l’industrie automobile qui subit le surcoût du prix de l’acier et de l’aluminium, à revenir sur les taxes déjà décidées. La réflexion qui va s’engager à leur propos n’a pas d’autre objectif, afin de remédier aux surcoûts supportés par l’industrie automobile. Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor, a annoncé que ce serait le premier dossier étudié par le groupe de travail qui va être constitué pour négocier un accord en bonne et due forme. Ce signal de bonne volonté envers les autorités européennes, dont Emmanuel Macron a fait un préalable, est en réalité bien intéressé !
Donald Trump a pris comme argent comptant les intentions de Jean-Claude Juncker qui mis entre parenthèses pour les besoins de son annonce les obstacles prévisibles à sa mise en musique. Le soja américain est génétiquement modifié – ce qui est interdit en Europe – et le gaz liquide a un coût bien supérieur au russe. Mais les principales difficultés pourraient venir des autorités françaises, qui ne veulent pas d’un accord tout azimut façon TTIP risquant de mettre en cause les normes européennes en matières sanitaires, environnementales et alimentaires, Bruxelles ayant par ailleurs confirmé que toute négociation sur les produits agricoles était exclue.
Combien de temps les négociations peuvent-elles durer ? Wilbur Ross, le secrétaire d’État américain au commerce extérieur, n’a pas voulu se prononcer, arguant du fait que « les discussions sur le commerce durent en général des mois, voire des années », ce qui pourrait les conduire bien au-delà de la date butoir de la fin novembre qui a été dans un premier temps annoncée. Ce calendrier mène au-delà des élections de mi-parcours du 8 novembre prochain, et ce n’est pas tout à fait un hasard. Car si Donald Trump se sortait bien de cette échéance toujours défavorable au président en place, il aurait les mains libres pour opérer une de ces volte-face favorites avec lesquelles il déstabilise ses adversaires. Le chat prend son temps pour s’amuser cruellement avec la souris.