D’entrée de jeu, le gouvernement américain a décidé hier d’imposer des tarifs douaniers supplémentaires de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium en provenance de l’Union européenne, du Canada et du Mexique.
Devant ces mesures qualifiées d’ « inacceptables » un front du refus s’est immédiatement constitué. Angela Merkel s’est distinguée en préférant s’alarmer d’« une escalade qui nuira à tout le monde », invitant les Européens à opposer à « l’Amérique d’abord » le mot d’ordre de l’« Europe Unie ». Cette décision « illégale » est « une erreur » a de son côté nuancé Emmanuel Macron. Enfin, comme s’il s’en excusait, Jean-Claude Juncker a fait valoir que ces derniers ne peuvent pas faire autrement que de porter plainte devant l’OMC et de décider de mesures de rétorsion.
Donald Trump invoque de surprenantes raisons de « sécurité nationale ». « Les États-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux », a averti la Commissaire au commerce Cecilia Malmström sans préciser lequel. Mais qu’est-ce que la sécurité nationale a à voir là-dedans ? Christine Lagarde du FMI s’approche de la vrai raison en dénonçant une forme « de remise en cause de la manière dont le monde fonctionne ».
C’est le constructeur automobile allemand BMW qui a dévoilé le pot aux roses : « l’accès sans barrières au marché est un facteur crucial non seulement pour le modèle économique du groupe, mais aussi pour la croissance et l’emploi dans l’ensemble de l’économie mondiale ». Les transnationales se font du souci quand elles ne sont pas américaines. Confrontés à leur déclin, les États-Unis ne voient pas d’autre issue, pour éviter son approfondissement, que d’entraver la poursuite de la globalisation. Cela peut provisoirement marcher, mais n’aura qu’un temps.
Comme les Américains n’ont pas les moyens d’enrayer la dynamique de l’essor chinois, les Européens seront les premières victimes de ce retour au protectionnisme. L’Amérique peut s’appuyer sur sa puissance financière pour l’imposer; affaiblie sur le plan économique, elle ne l’est pas financièrement, le terrain où le rapport de force est en sa faveur.
L’euro ne serait pas fragilisé par la crise européenne, l’usage international du yuan chinois ne progressant que lentement, le moment serait tout trouvé pour ouvrir le débat sur l’évolution du système monétaire, le point faible des autorités américaines. Ce serait l’occasion d’allumer un contre-feu. Mais pour que le moment soit propice, il faudrait que la croissance américaine s’essouffle et que l’européenne reprenne de ses couleurs. Le contraire de ce que l’on observe. Et le G7, qui devait initialement débattre des conditions du retour de la croissance, voit ses séances accaparées par les affrontements commerciaux.
Attaquées de tous côtés, comment les autorités allemandes vont-elles réagir ? Stefan Seibert, le porte-parole du gouvernement allemand, a déjà annoncé que Berlin allait être « ouvert » vis-à-vis du nouveau gouvernement italien. Signe des temps, Jean-Claude Juncker a demandé avec insistance, dans une interview largement reprise par la presse allemande, de « respecter l’Italie » et de « ne pas faire la leçon à Rome ». « La dignité du peuple grec a été foulée aux pieds. Cela ne doit pas se répéter à présent avec l’Italie », a-t-il ajouté. Ces soucis tactiques vont-ils se traduire par une souplesse politique inédite à l’intérieur de l’Europe ?
Europe, y a ceux qui sont pro-rigueur et ceux qui le sont moins.
Y a ceux qui sont anti-Russie et anti-Poutine et ceux qui le sont moins.
Y a ceux qui sont pro-migrants et ceux qui le sont moins et ceux qui le sont pas.
Y a celui qui est pro-intégration renforcée et les autres que non merci, c’est gentil mais pas tout de suite.
Y a les anti-Trump et les anti-Trump mais on aime bien les US quand même.
Bref, c’est un tel foutoir que ça devrait effectivement se traduire par « une souplesse politique inédite à l’intérieur de l’Europe », comme vous dites pudiquement.
Cette conjonction inattendue de transgressions économico-politiques devrait nous permettre de réactiver le processus d’union hors extrêmes autour d’un projet pan-européen à promouvoir pour les élections européennes prochaines…
Il est temps de réhabiliter Ianis VAROUFAKIS.
https://diem25.org/desobeissance-constructive/
https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=rTUXm5F9JNM
Incroyable il y a seulement 3 mois : les commentaires de JCJ !
A-t-il seulement des remords pour ce qu’il a contribué à faire à la Grèce? Certainement pas ! Il reste redoutable, je pense, dans ces phrases accommodantes sur l’Italie. On ne change pas les vieux requins et il réserve sans doute des coups bas dont les « euroïnomanes » (comme les appelle Jacques Sapir) ont le secret.
Je confirme : les chefs bruxellois sont capables, en paroles, de critiquer légèrement ce qu’ils ont fait. Ils perçoivent le désenchantement de l’opinion et lui paient reconnaissance mais ne dévient pas des objectifs libéraux extrémistes. Il n’est d’ailleurs pas question de porter remède ou atténuer les souffrances induites.
Les affaires religieuses sont compliquées, reste que les Jésuites ont été condamné pour moins que ça.
Autre argumentaire à venir: «Nous avons été dépassé par les gouvernements». Jospin, en particulier, doit en faire des sauts de carpe dans sa tombe politique.
D’un certain point de vue, nous nous sentons impuissants. On ressent un foutoir ? Mais c’est plutôt dans les opinions publiques, selon la description de Renard.
Il y aussi une dispersion parmi les opinions des dirigeants nationaux (réunis au Conseil Européen).
D’un certain point de vue, Varoufakis cherche à rassembler des forces à d’autres niveaux de pouvoir, tel le pouvoir communal ou régional, selon la désbéissance constructive à laquelle réfère Otromeros. Mais aussi à constituer un camp européen, pour s’opposer aux forces centrifuges d’extrême droite. C’est une stratégie bizarre, un peu des gens « aux marches du pouvoir » (et donc les intellectuels de la haute bourgoisie), et non les opinions. (Car pour bien des partis de gauche, c’est refuser l’austérité et les élites qui est nécessaire ; sauver l’europe n’est plus un principe d’action).
Selon l’intervention de Paul Jorion à la RTBF sur l’Italie, c’est plutôt un sursaut des dirigeants tous confondus qui sera nécessaire à un moment pour « réparer l’euro » tant qu’il est temps (et presque trop tard). Mais cela demandera un changement en Allemagne, y compris peut-être dans la constitution pour diminuer les pouvoirs de la Cour fédérale et de la Bundesbank.
Bref le rapport de forces est mauvais, mail seule la « dernière extrémité » pourrait le modifier. Non ?
Je trouve toutes ces déclarations tragi-comiques, avec un prix spécial pour Madame Lagarde et sa déclaration dénonçant « une forme de remise en cause de la manière dont le monde fonctionne ». À y regarder de plus près, la formule est étrange, et laisserait penser que Mme Lagarde sait très exactement comment le monde fonctionne, et que ce qui vient de se passer échappe à son modèle… mais zut, il faut aller expliquer au président de la première puissance mondiale, et de très loin, que le monde ne fonctionne pas comme ça. Je ne lui souhaite pas d’être en poste lorsque la prochaine crise financière adviendra, car alors je prédis déjà sa déclaration: « mais ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne ! ».