Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, va-t-il pouvoir sortir du gigantesque pétrin dans lequel il s’est fourré ? Il répondra mardi et mercredi prochains aux questions des membres de la Commission du commerce de la Chambre des représentants, après avoir tenté d’y échapper. Invité à s’expliquer à Londres et à Bruxelles, il n’a pas donné suite, mais face au Congrès c’est une autre affaire, car les élus sont vent debout contre tout risque de réédition des manipulations électorales qui ont été dévoilées.
Que l’argent joue un rôle déterminant dans le dévoiement de la démocratie, c’est chose admise et même recherchée, mais que des manipulations souterraines des électeurs s’instaurent, cela va trop loin !
La mise en cause de Facebook a pris des proportions inattendues et les excuses de son PDG comme l’annonce dans la précipitation de mesures correctives n’a pas calmé le jeu. Il essaye de limiter les dégâts en acceptant le principe d’un encadrement réglementaire, ne pouvant plus l’éviter. Est-ce à dire que le problème du contrôle de l’utilisation des données personnelles sera alors réglé et qu’il va pouvoir s’en tirer à si bon compte ?
Le modèle économique de Facebook est durement atteint. Facebook n’est rien d’autre qu’une machine à aspirer les données personnelles pour les revendre, la possibilité de communiquer gratuitement en étant le prétexte et le moyen. Son modèle est la publicité, pas la classique et dépassée vente d’espace publicitaire mais celle des données qu’il recueille. « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ! » résume au mieux le business qu’il est parvenu à instaurer et qui fait sa fortune.
Quatre-vingt milliards de dollars de capitalisation boursière sont déjà partis en fumée depuis la mi-mars, et on ne connait pas le nombre d’utilisateurs du service qui se sont désinscrits. D’autres auditions et enquêtes sont dans les tuyaux, et les proportions prises par le scandale s’accroissent. Combien de dizaines de millions de personnes ont vu leurs données utilisées pour des manipulations politiques qui leur sont totalement étrangères ou pour toute autre utilisation qu’ils ne connaissent pas ? Facebook admet désormais que Cambridge Analytica a utilisé les données de 87 millions de personnes, puis il a admis par la suite que « la plupart de ses 2,1 milliards d’utilisateurs » ont pu avoir leur profil utilisé.
Par son ampleur comme par sa nature, le scandale s’apparente aux écoutes de la NSA et illustre le phénomène identique d’une intrusion massive dans ce que l’on a coutume d’appeler la vie privée. La suspicion rejaillit sur l’ensemble des GAFA, l’heure de l’innocence est passée. La Silicon Valley n’est pas peuplée de doux et brillants rêveurs aspirant à changer le monde grâce aux bienfaits des nouvelles technologie tout en s’abandonnant aux délices du libertarisme, mais de businessmen au sens des affaires éprouvé préparant un monde qui n’a rien de réjouissant.
Sa principale caractéristique est d’instaurer la surveillance de tout à chacun à très grande échelle, sans discrimination, où le business et le contrôle social vont de pair, sous couvert de divertissement. L’expression « capitalisme de surveillance » de Shoshana Zuboff, professeure à Harvard Business School, fait florès, en rendant bien compte.
De la pire manière possible – l’utilisation des données à des fins de manipulation électorale – Facebook a été pris la main dans le sac. On ne pouvait trouver meilleur illustration du danger qui pèse sur notre démocratie, aussi relative soit-elle.
Mark Zuckerberg multiplie les annonces pour tenter de convaincre qu’il a compris la leçon et prend des dispositions pour qu’une telle utilisation des données personnelles soit selon lui désormais impossible. Mais il tergiverse et ne peut pas le garantir, sauf à abandonner son modèle économique et les revenus de l’or noir numérique qui ont fait sa fortune, car il n’a pas d’alternative. Ce serait trop bête d’immoler la poule aux œufs d’or !
Est-ce que cela sera suffisant pour que, le temps aidant, les affaires repartent comme avant ? La suspicion n’est pas prête de s’évanouir, mais le précédent de la NSA est de mauvaise augure car si le scandale a été énorme, rien n’a changé. À ceci près que l’on peut vivre sans Facebook, qui n’est pas comme la NSA une forteresse. Et qu’à force, la protection de ses données devient une affaire politique.
Le parallèle avec l’activité financière s’impose. Les sénateurs démocrates américains réclament désormais une loi sur la protection de la vie privée et conviennent que l’autorégulation a failli. C’est tout en pan de la pensée dogmatique qui en prend à nouveau un coup. C’est également un désaveu de l’idéologie libertarienne qui prétend l’État dépassé, ainsi que de tous ceux qui font chorus sans s’y référer explicitement.
Des bonnes âmes prétendent avoir trouvé la parade en proposant un partage des recettes provenant de la vente des données. Ce serait une étonnante manière d’associer les victimes au crime pour qu’elles ne puissent pas s’en désolidariser. La pure et simple interdiction de les utiliser, sauf accord formel pour des usages bien précis et contrôlés, pourrait seule stopper la menace que Facebook continuera sinon de représenter.
Revendiquer la propriété privée des données personnelles n’est pas plus satisfaisant. La constitution de volumineuses bases de données, sous strict contrôle de leur utilisation, peut dans des domaines comme celui de la santé permettre de véritables avancées de la médecine. Les données ne seraient-elles pas un bien commun qui ne dépend ni de la logique du marché ni de l’emprise de l’État ?
Qu’est ce qui ne doit pas être un bien commun ?
Et en France?
En Marche a téléphoné à 6 millions de personnes le samedi avant la présidentielle c’est à dire APRES la clôture de la campagne électorale, ce qui est un premier problème.
Deuxième problème comment ont ils eu accès à cette banque de donnée qui visiblement était ciblée sur certains électeurs….
Serait ce Facebook ? Ou sinon comment ont ils eu ces informations?
Quelle a été l’influence de cette action sur les résultats?
Vous n’avez pas confiance dans le Conseil Constitutionnel ?
Excellent article : »l’heure de l’innocence est passée. La Silicon Valley n’est pas peuplé de doux et brillants rêveurs aspirant à changer le monde grâce aux bienfaits des nouvelles technologie tout en s’abandonnant aux délices du libertarisme, mais de businessmen au sens des affaires éprouvé préparant un monde qui n’a rien de réjouissant. » J’espère que le message va passer outre-atlantique, et que l’Europe va embrayer le pas…