Un premier débat a été lancé à propos du sort allant être réservé à la montagne de nouvelles dettes qui sont actuellement contractées. Il a déjà pu être observé que les banques centrales se sont largement émancipées, et il est souvent prédit que ce n’est pas fini. (*) Dans un autre sens, en complément éventuellement, il est recommandé de rallonger autant que possible le calendrier de leurs remboursements. Mais un nouveau débat vient se juxtaposer au premier, qui porte non pas sur le financement de la relance mais sur son contenu.
Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus propose fort opportunément d’utiliser le terme de reconstruction, en ligne avec la proposition d’un « plan Marshall » revendiquée un moment par ailleurs. Elle doit être selon lui « sociale et écologique » et s’appuyer sur la naissance du nouvel entreprenariat qu’il appelle de ses veux, le « social business ». Pour lui, « la crise du coronavirus nous ouvre des horizons pour ainsi dire illimités pour tout reprendre à zéro » en partant du principe que « l’économie n’est qu’un moyen, celui d’atteindre des objectifs que nous nous fixons », afin d’atteindre le « plus grand bien-être possible ». Muhammad Yunus y voit comme principal obstacle la conception d’une économie « vouée à la maximisation des profits ».
Après avoir lu Le Monde, qui publie sa tribune, on peut passer au quotidien Les Échos, sans s’étonner qu’il douche les enthousiasmes. Tout en présentant les éléments d’un changement de modèle économique, et en reconnaissant que ces évolutions « ont un sens du point de vue à la fois de l’efficacité économique et de l’équité », l’économiste en chef de Natixis Patrick Artus consacre sa contribution à l’énumération de ce qui y fait obstacle. En premier lieu « il existe certainement une limite à la capacité d’absorption de dette publique par les marchés financiers, même si la BCE poursuit ses achats de dette et si une partie des déficits publics est mutualisée au niveau européen. » En second que « se priver complètement des délocalisations vers les pays émergents réduirait de 4 % le pouvoir d’achat des Européens. » et en troisième lieu que de telles préoccupations seraient contradictoires avec « l’exigence très élevée de rentabilité du capital pour les actionnaires dans le capitalisme contemporain, 12 % sinon 15 % ». Son constat semble sans appel, ne le conduisant pas à envisager la levée de barrières qui semblent infranchissables !
Une somme de grands patrons français, parmi lesquels figurent ceux de LVMH, de la RATP, d’Air France-KLM, de Danone, de Thalès et de BNP Paribas, plaident pour une relance mettant « dans son cœur l’environnement et la justice sociale ». On se gardera bien de mettre en cause tant de bonnes intentions, mais le souvenir est chaud de la déclaration de 2019, restée sans effets, des plus grands patrons américains réunis autour de la « Business Round Table ». Ils avaient revendiqué élargir la responsabilité sociale de l’entreprise à ses salariés, ses clients, à la communauté où elle est implantée et son environnement, et non plus à ses seuls actionnaires.
Gaël Giraud, qui appelle à « une réindustrialisation verte et une relocalisation de l’économie française, en la finançant par l’annulation partielle des dettes publiques européennes » ouvre des pistes y compris pour son financement. Mais il exprime la crainte que « l’angoisse du chômage risque de servir d’épouvantail pour reconduire le monde d’hier » et fait remarquer que « si l’on ne profite pas du déconfinement pour tourner la page de la société thermo-industrielle et de la destruction de la biodiversité, pour renégocier totalement notre rapport à la nature, je ne sais pas ce qu’il nous faudra comme alerte pour y parvenir. » C’est bien la question !
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(*) En dépit de l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande à propos des achats obligataires de la BCE, sur lequel nous reviendrons.
En France nous n’avons même pas pu nous opposer face aux lois travail, la question est donc plutôt comment et par quels moyens les populations, dont on peut croire qu’elles sont conscientes des inégalités sociales et du désastre écologique en cours, vont pouvoir peser dans la balance vers le « plus grand bien-être possible », car il est évident qu’on ne peut pas compter sur les gouvernants qui méritent presque tous la prison.
Mais ils ont prévu la parade à la prison, ils préparent une loi pour s’enlever toute responsabilité…Nous ne parlerons plus de « Responsables politiques « mais d’irresponsables »…Ils seront un peu plus hors sol,ça ne les gênera pas!!!
Concernant l’ultimatum de la cour allemande je viens de donner des détails chiffres sur mon blog
Il est certain que la pente est glissante, vont-ils pouvoir se rattraper et comment ?
L’appel de Gael Giraud me fait penser à quelqu’un.Mais à qui?
Nicolas Quelque chose…?