Être à la hauteur de la situation serait nouveau

Si les 750 milliards d’euros d’achats de titres obligataires publics et d’entreprises de la BCE peuvent dans l’immédiat éviter une réédition de la crise obligataire qui a déjà menacé la zone euro d’éclatement, ils ne sont qu’un pis-aller. Et les plans de soutien qui reposent en premier lieu sur du crédit, que ce soit aux entreprises ou aux États, ne vont pas non plus au cœur du sujet.

La Commission prépare la téléconférence des dirigeants européens de jeudi prochain en étudiant différentes options à leur proposer. Elles reposent en premier lieu sur l’activation du Mécanisme européen de stabilité (MES), qui pourrait mettre une ligne de crédit à disposition des États qui le demanderaient, selon des conditions plus ou moins dures à déterminer. Ou bien proposer des prêts plus limités mais destinés à financer les seules dépenses de santé. Alternativement, le MES pourrait aussi émettre des corona-obligations et en distribuer les fonds recueillis.

Inutile de dire que les désaccords habituels sont loin d’être résorbés. Pourtant, présentant ces choix, le commissaire Paolo Gentiloni a fait valoir qu’une crise en « V » était désormais « complètement impossible » et qu’il n’était pas question d’une mutualisation de la dette afin de convaincre les opposants à une action de concert. Mais ceux-ci sont toujours aussi réticents à tout ce qui pourrait susciter un « aléa moral », ne démordant pas de leurs dogmes. Tandis que le gouvernement italien refusait de son côté de bénéficier d’une aide du MES qui leur serait réservée et qui les stigmatiserait auprès des investisseurs sollicités pour financer le refinancement et l’accroissement de leur dette. Créant un problème pour en régler un autre.

Le décor est planté et le débat sur l’avenir de la zone euro est dans les faits relancé. Comment des approches toujours aussi opposées, si elles ne sont pas résorbées, vont-elles pouvoir coexister alors qu’il y a urgence à agir ? Comment accepter d’être enfermé dans une union monétaire ressentie comme destructrice ?

Nous n’en sommes plus à une crise de liquidité affectant le système financier et aux injections de liquidité des banques centrales. La crise de solvabilité qui s’annonce ne peut être résolue avec des prêts, aussi mirifiques soient-ils, qui ne feront que l’accroître. C’est valable pour les entreprises aussi bien que pour les États les plus endettés. Et la suspension par la Commission des règles du « pacte de stabilité » ne répond pas aux nécessités de financement des plans gouvernementaux dont les besoins enflent à vue d’œil.

Cette crise s’annonce autrement plus redoutable que la précédente et il ne sera pas sorti de sa phase aiguë aussi facilement. Le risque d’une dislocation de l’Europe renait sur fond de récession généralisée.

6 réponses sur “Être à la hauteur de la situation serait nouveau”

  1. « Tandis que le gouvernement italien refusait de son côté de bénéficier d’une aide du MES qui leur serait réservée et qui les stigmatiserait auprès des investisseurs sollicités pour financer le refinancement et l’accroissement de leur dette. Créant un problème pour en régler un autre. »

    Autrement dit, face à la pandémie la seule réponse de l’Union européenne (et non pas l’Europe) est d’enfoncer l’Italie suivant peu ou prou le même mode qui a prévalu pour la destruction de la Grèce, tandis que les actes de solidarité concrète proviennent de Chine, de Russie et de Cuba… (l’occasion était trop belle pour ces pays de nous aider tout en soulignant la faillite totale de l’UE)

    Coronavirus: la Russie, la Chine et Cuba au chevet de l’Italie
    http://www.rfi.fr/fr/europe/20200322-coronavirus-arm%C3%A9e-russe-d%C3%A9p%C3%AAche-centaine-virologues-italie

  2. Un groupe communiste, comme il en existe 100 dans le monde :

    https://www.marxiste.org/international/perspectives-mondiales/2661-covid-19-la-catastrophe-imminente-et-les-moyens-de-la-combattre

    Au moins ce groupe va lui à l’essentiel, il est le seul à poser la question de faire payer la bourgeoisie :

    « ..;Où trouver l’argent nécessaire ?

    (…) il existe une autre source d’immenses richesses. Aux Etats-Unis, par exemple, 1 % des ménages les plus riches – environ 1,2 million de familles – possédait une fortune totale nette de 35 000 milliards de dollars, en 2019.
    (…) le niveau des dépôts et de réserves d’argent des entreprises du Royaume-Uni a augmenté ! Les dépôts ont augmenté de 8 % en 2018, soit un bond de 51 % en 5 ans. Selon le Crédit Suisse, les 1 % les plus riches du globe possèdent environ 50 % de la richesse mondiale, alors qu’en bas de l’échelle, la moitié des adultes possède moins que 1 % de la richesse mondiale.
    (…) Il ne serait pas déraisonnable d’imposer une taxe d’urgence de 10 % ou 20 % sur ces fortunes. Toute compagnie ou capitaliste individuel qui refuserait de collaborer serait exproprié, verrait ses biens confisqués et ses ressources mises à disposition de l’Etat…. »

    Bien moins déraisonnable en effet que de chercher à couvrir les besoins de l’humanité en continuant de gonfler la bulle du capital fictif, en laissant le monde s’endetter encore et encore, et finalement en faisant en sorte que le remède à la maladie sera pire encore que cette maladie !

  3. tous les États s’associent à leur banque centrale pour racheter leur dette qui s’amplifie et ainsi « arroser » l’économie, ne peut-on pas imaginer que ces dettes soient alors annulées, d’un commun accord entre les États et les banques centrales, par la suite ? La stabilité des taux de change serait garantie par cette volonté commune de purger les dettes salutaires en cette période. Qu’en pensez-vous ? Cdt.

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