Face à la pandémie, la stratégie de l’ordre dispersé, sauf pour les réfugiés

Les choses deviennent sérieuses : les grandes banques n’avaient pas attendu pour tester leurs centres de secours, la BCE s’y met à son tour en demandant à ses 3.700 employés de rester travailler chez eux pendant une journée. Le signal d’alarme donné par la dégringolade boursière a été entendu à Francfort. Si des mesures de confinement s’imposaient, le spectacle devrait malgré tout continuer. Afin de s’en assurer, la BCE a demandé aux 120 banques qu’elle supervise de vérifier leur capacité à maintenir la continuité de leurs opérations lors de l’extension de la pandémie.

Les autorités font face à des impératifs contradictoires, prendre des mesures quitte à ce qu’elles soient symboliques, et ne pas entraver le fonctionnement de l’économie dont elles craignent une forte baisse de régime. Mais, que ce soit au niveau mondial ou européen, elles s’y prennent en ordre totalement dispersé. Il a déjà été relevé que si la Fed, accompagnée de la Banque du Canada, a pris de premières mesures sur la portée desquelles on peut s’interroger, la BCE n’a pas encore bougé. Les commentateurs en sont réduits aux suppositions et Christine Lagarde à en prendre pour son grade.

En Europe, la situation est pour le moins contrastée. Selon une enquête d’opinion, 76% des Allemands estiment que leur pays au bord de la récession ne sera pas infesté par la pandémie du coronavirus et 66% d’entre eux considèrent que le gouvernement la contrôle. Pour mesurer la minceur de ses mesures, il a été calculé qu’elles représentaient 0,008% du PIB… De son côté, le gouvernement italien réagit et engage 7,5 milliards d’euros, soit 0,4% du PIB, afin de financer des mesures sanitaires et des aides sociales. Devant son dérapage budgétaire qui s’annonce, il compte sur la mansuétude de Bruxelles qui a reconnu que les circonstances sont exceptionnelles.

Celles-ci pourraient être l’occasion d’une réévaluation des règles budgétaires européennes, mais cela n’en prend pas le chemin. Le FMI ayant mis 50 milliards de dollars de prêts sur la table afin qu’aucun gouvernement ne soit à court d’argent, ce serait un comble si c’étaient les États européens qui demandaient à en bénéficier…

L’aggravation prévisible de la situation économique va réclamer des mesures de nature budgétaire – énumérée par le FMI – et non de sempiternelles injections de liquidité. Le télétravail ne sera qu’un adjuvant, il faudra soutenir les travailleurs des entreprises à l’arrêt ou ne pouvant s’y rendre, ainsi que les personnes les plus vulnérables et doter le système de santé des moyens qui lui seront indispensables. Il faut se rendre au Royaume-Uni pour y enregistrer un plus fort sens de l’urgence. Boris Johnson avait déjà l’intention de dégager des ressources budgétaires, à la manière de Donald Trump, il se prépare maintenant à aller au-delà ce qui était prévu. De ce point de vue aussi, le fossé entre l’Union européenne et le Royaume-Uni s’approfondit.

Est-il réconfortant de constater que, dans un tout autre domaine, les autorités européennes font preuve d’une farouche détermination ? Sans l’ombre d’une hésitation, elles ont agi tous azimuts afin de contrer une nouvelle ruée des réfugiés dans toute l’Europe comme en 2015. Le déploiement de Frontex en Grèce et les offres financières au président turc ont été décidés dans l’instant, les frontières doivent être fermées le plus hermétiquement possible, mais le plus détestable réside dans l’absence totale de réaction à la suspension du droit d’asile par un gouvernement grec devenant pour la circonstance hors-la-loi au regard du droit international. À ce sujet, le pire est à craindre dans l’avenir.

Quant à l’accord de cessez-le-feu dans le nord-est de la Syrie que Recep Tayyip Erdoğan a dû faute de mieux signer avec Vladimir Poutine, il ne résout en rien la catastrophe humanitaire qui s’y amplifie. D’autant qu’il n’est pas durable, l’histoire des cessez le feu étant faite de leur rupture. Et, aux confins avec la Grèce, une zone tampon est en passe d’être crée, les dizaines de milliers de réfugiés qui croyaient pouvoir pénétrer en Europe s’y trouvant coincés. Enfin, en signe de bonne volonté, les garde-côtes turcs ont reçu comme instruction d’empêcher toute traversée de la mer Égée vers les iles grecques.

Encore bravo !

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