Les réjouissances qui nous pendent au bout du nez

De nouvelles grandes peurs ont pris le relais des frayeurs ancestrales, et elles ne sont pas mineures. Dernière en date, la pandémie du coronavirus qui fait trembler le monde entier, en tête d’une liste qui n’en finit pas et nous renvoie à la grande peste. Notre civilisation serait-elle condamnée à vivre sous le régime d’une fragilité grandissante et d’un destin incertain ?

Symbole de l’air du temps, le thème de la dystopie est de plus en plus souvent rencontré, prenant le pas sur son antonyme l’utopie. Et une approche intitulée de manière imagée collapsologie a acquis droit de cité. Ceux qui s’en réclament partagent avec les économistes le concept de « systémique » pour parler d’un système caractérisé par d’irrésistibles interactions, d’où leur nécessaire pluridisciplinarité.

Les catastrophes issues de la main de l’homme ont pris le pas sur celles attribuées à la nature après avoir été d’ordre divin, qui n’ont toutefois pas disparues. Ce genre fait fureur, et il n’est pas toujours évident de faire la part de la réalité du danger et de son fantasme, les deux coexistant et se renforçant.

À la guerre froide et nucléaire a succédé la cyberguerre sans frontières, les hackers révélant que l’interconnectivité des systèmes informatiques régissant les activités humaines est un facteur de grande fragilité. Multiforme, le terrorisme est quant à lui devenue source de grande frayeur, sans même penser à sa version bioterroriste apocalyptique.

Pour mémoire tellement elle est d’actualité, on rappellera la crainte devenue généralisée des effets du réchauffement de l’atmosphère, et de l’afflux incontrôlable de réfugiés d’un nouveau genre, qualifiés de « climatiques », que cela pourrait provoquer. Et l’on n’oubliera pas l’effondrement du système financier dont on a été au bord. Enfin, les historiens évoqueront le précédent du déclin et de l’effondrement d’anciennes civilisations pour signifier qu’elles sont mortelles elles aussi.

Est-ce faire preuve de complaisance que de procéder à une telle énumération ? Ou la constatation que la peur devant un avenir incertain est à ce point présente que la foi dans le progrès a disparue ? Que l’accès aux ressources naturelles ne sera demain plus garantie et que d’improbables refuges seront l’ultime sauvegarde d’un monde où les inégalités auront atteint leur paroxysme, où il faudra à tout prix être du bon côté ?

Dans l’immédiat, la pandémie du coronavirus donne un avant-goût de ce qui nous attend. Non pas tant en raison de sa propagation que de ses effets. Issues de la mondialisation, les chaînes de valeur des grandes entreprises sont fortement perturbées en raison des arrêts de production dans l’épicentre de l’infection, et leur impact économique fait l’objet d’évaluations inquiétantes. Quand la Chine tousse le monde désormais s’enrhume. Mais la reconfiguration des chaînes de production n’est pas aussi quasi-instantanée que le transfert des capitaux, et ce repli prend du temps et coûte de l’argent.

La sérénité n’est plus de notre monde, comment ne pas le reconnaître ? La crainte ultime est qu’elle soit en fin de compte le moteur de sociétés fermées et de régimes autoritaires s’appuyant sur un contrôle social dont les prémices se dessinent.

Bon week-end !

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