« Green business », le doute se renforce

Un article publié par le Financial Times (*) fait fort involontairement douter de l’engagement déterminant du monde des affaires dans la réduction des émissions du carbone, qui est pour l’occasion opposé à la proposition du FMI, considérée insoutenable, de la fixation du prix de la tonne carbone à 75 dollars. Des pistes sont certes identifiées afin de modifier les comportements et de mettre le marché de son côté, mais sont-elles vraisemblables ?

« Ce qui est mesuré peut être géré », est-il posé d’entrée de jeu, avec pour corolaire que lorsque ce n’est pas le cas, on ne peut s’attendre à ce que les décisions des investisseurs et des consommateurs soient appropriées. Il doit donc être remédié à ce qui est qualifié de « défaillance du marché », mais comment ?

L’auteur expose cinq voies qui permettraient d’agir sur les comportements en modifiant les incitations financières. L’International Accounting Standards Board (IASB), qui définit les règles comptables, est en premier lieu mis à contribution, afin d’introduire de nouvelles dispositions et de calculer autrement le profit et le capital. Celles qui sont aujourd’hui en vigueur, est-il remarqué, prennent fort peu en considération la réduction des émissions de carbone, c’est le moins que l’on puisse dire ! En second lieu, les quatre grandes firmes d’audit – PwC, KPMG, Deloitte et Ernst & Young – devraient alerter les investisseurs lorsqu’une entreprise risque de se voir dévalorisée en raison de ses émissions de carbone.

Dans cette même optique, les agences qui conseillent comment voter aux actionnaires, qui détiennent une grande influence comme l’Institutional Shareholder Services ou Glass Lewis, ont leur rôle à jouer. Quant aux fonds d’investissements, comme BlackRock, Vanguard ou State Street Corporation, leur responsabilité est à la mesure du gigantisme de la taille des actifs qu’ils ont en gestion. Enfin, les principales agences de notation – Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch – devraient se mettre aussi de la partie afin de mieux orienter les activités de crédit.

On se gratte la tête devant cet ambitieux programme, vu l’ampleur de la mobilisation vertueuse qu’il implique ! Il n’est plus question de laisser s’exprimer le marché dans toute sa plénitude, mais au contraire de le corseter. Mais l’on remarquera que les leviers qui pourraient être actionnés ne sont pas aux mains de la puissance publique, l’honneur serait donc sauf !

Cela renvoie à un article du quotidien Les Échos, paru sous la plume de Jean-Marc Vittori (**), qui démarre avec l’affirmation que « le capitalisme doit changer » et se poursuit avec l’idée qu’il « ne délivre toute son efficacité que lorsqu’il est domestiqué ». Quatre scénario sont alors possibles selon lui : l’explosion en vol, l’emprise de l’État, le retour des contre-pouvoirs, ou encore la « rupture venant de l’intérieur des entreprises », qu’il semble privilégier sans toutefois s’avancer. Les temps sont si incertains !

Serait-ce faire un procès d’intention que d’émettre quelques doutes à l’idée que le système capitaliste puisse trouver en lui-même les ressources d’une telle mutation ? Ou faut-il avoir la foi du charbonnier et y croire dur comme fer ?


(*) « How to measure the impact of business decisions on climate change », par Natacha Landell-Mills.

(**) « Quatre scénarios pour réinventer le capitalisme », par Jean-Marc Vittori.

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