Il n’y a pas de sortie en vue à la crise politique qui parcourt toute l’Europe. Pour ne prendre que deux exemples frappants, les italiens sont suspendus au retour de Matteo Salvini et les électeurs espagnols n’ont pas débloqué la situation.
Malgré qu’il soit arrivé en tête, Pedro Sánchez vient d’enregistrer une double défaite qui déjoue ses calculs : le score du PSOE s’est érodé au lieu de progresser, et c’est Ciudadanos qui a fait les frais de l’opération au lieu de Podemos. Car son intention inavouée était de gouverner avec le premier, qui a refusé toute négociation avant le scrutin, et c’est raté !
En convoquant de nouvelles élections, il a également permis l’expression d’une forte poussée de l’extrême-droite. De nombreux électeurs déçus ont cherché dans la carte de Vox une issue introuvable ailleurs. Un phénomène qui n’est pas propre à l’Espagne et qui traverse toute l’Europe. Le « populisme » vire à droite n’ayant comme perspective que la poursuite de la détérioration de la situation sociale, en raison de la réaffirmation de la politique ultralibérale d’un pouvoir dont le caractère oligarchique s’accentue ouvertement, et de l’absence de marges de manœuvre budgétaire pour les raisons que nous savons.
Les électeurs de gauche ont sanctionné l’incapacité du PSOE et de Podemos à s’entendre, et il va falloir en payer le prix. Il n’y aura pas de nouveau round électoral en Espagne pour dénouer le blocage, et le PSOE va tenter de constituer un gouvernement minoritaire, condamné à trouver des majorités au Parlement au gré des circonstances, un exercice qui s’annonce encore plus difficile que précédemment. L’instabilité politique va continuer à prévaloir, conduisant certains à préconiser une grande coalition regroupant le PSOE et le Parti populaire au moment où celle qui a dominé l’Allemagne ne se maintient que pour éviter d’avoir à lui trouver un remplacement.
Et, puisque l’on est aux rapprochements, comment ne pas relever le vent nouveau qui souffle de l’autre côté de la Méditerranée, le confessionnalisme battu en brèche en Irak et au Liban, tandis que la vieille Europe cherche refuge à l’extrême-droite…
Le temps de la Transition démocratique entamée en 1975 lors de la chute de la dictature est bien révolu, les vieux démons de l’Espagne pas terrassés. L’exhumation des restes de Franco a fait ressurgir un passé occulté et une droite réactionnaire persistante. Vox se fait l’apôtre d’une recentralisation de l’Espagne sur le modèle franquiste, alors que la poursuite de la décentralisation entamée et actée en 1978 dans la Constitution n’avance pas. Cette question va parasiter durablement le climat politique, d’autant que les élections ont été également marquées par une progression des mouvements régionalistes, la CUP catalane indépendantiste entrant même au Parlement.
Une nouvelle Transition a été en son temps préconisée par Podemos, mais elle n’aura pas lieu. La page du bipartisme a été tournée avec l’apparition successive de Podemos et de Ciudadanos, mais ces deux mouvements n’ont pas répondu aux attentes qu’ils ont suscités. Le parallèle avec le Mouvement des 5 étoiles italien s’impose à cet égard et doit faire réfléchir : le modèle d’un mouvement rompant avec les formes traditionnelles de la politique n’est pas parfait. Il est une condition nécessaire mais pas suffisante du basculement. Décidément, nous sommes entrés dans une nouvelle période qui promet d’être longue et d’issue incertaine.
Aujourd’hui, le danger climatique est le catalyseur et le fédérateur des courants qui font l’opinion. À tel point que la finance tente de se refaire une réputation en développant une version « verte » de son activité qui a tout de la poudre aux yeux. Mais le second pendant de la crise, l’accroissement des inégalités et de la précarité, est également un puissant ferment pour l’avenir. Les deux appellent une réponse commune.